Le débat sur les conditions de sélection et de formation des jeunes dans les centres de la fédération française de football est révélateur du malaise français.
D’abord, à partir d’un enregistrement clandestin d’une réunion informelle, on a cru voir s’exprimer du racisme, alors que la question débattue était de savoir s’il est raisonnable de former dans les écoles de football des jeunes dont les parents sont d’origine étrangère et ayant eux-mêmes le choix, à leur majorité, de leur nationalité, parce que beaucoup d’’entre eux choisissent alors de jouer pour d’autres équipes nationales que l’équipe de France. Et on y a discuté pour l’essentiel de la question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux réserver les trop rares places disponibles dans ces centres de formation aux seuls joueurs dont les parents étaient déjà français.
Certes, cette discussion est en soit scabreuse ; mais en ne parlant que de cela, on manque l’essentiel, qui est de savoir pourquoi ces jeunes décident d’aller jouer sous un autre maillot national, de prendre un autre passeport. Ce n’est pas en général, comme on l’a prétendu trop vite, parce qu’ils ne sont pas retenus dans l’équipe de France, mais parce des représentants des pays de leurs parents viennent leur en vanter les mérites. Etonnamment, on ne se pose pas la question (ni dans les discussions internes à la fédération, ni dans les débats qui ont suivi entre ceux qui se disent scandalisés par les propos qui y ont été tenus) de savoir s’il conviendrait de faire à temps les efforts nécessaires pour les convaincre de prendre un passeport français. Et encore moins de savoir si on ne devrait pas aussi aller chercher les autres binationaux de talent, footballeurs ou autres, dans les pays où ils se trouvent. Ce non-débat révèle que, en France, pour les footballeurs comme pour les autres, on n’a pas le réflexe de penser les enfants d’étrangers comme un atout pour l’avenir du pays ; et on ne fait rien pour les convaincre de choisir la France, pour les aider à réussir leur insertion. On pense, consciemment ou inconsciemment, qu’être Français est un tel privilège que la France n’a pas à faire d’effort pour garder ceux qui pourraient le devenir. Comment s’étonner alors qu’ils s’en éloignent ?
Ensuite encore, à supposer même que ces footballeurs s’en aillent jouer dans d’autres équipes nationales, tout en restant souvent en général dans des clubs français ou européens, est-ce vraiment mauvais pour la France ? N’est-il pas au contraire utile, pour notre pays, d’avoir formé les élites d’autres pays, d’Europe, d’Afrique, d’Asie, d’Amérique, avec qui nous allons demain avoir à commercer, dialoguer, construire des alliances et bâtir des projets ? Au-delà du football, nous avons tout intérêt à recevoir le maximum d’étudiants étrangers ou enfants d’étrangers, même si, ensuite, parce que nous ne savons pas les retenir, ils repartent dans leur pays d’origine ou dans celui de leurs parents.
Enfin, nul ne semble se scandaliser de la diffusion par la presse d’un enregistrement clandestin d’une conversation privée, imposant ainsi une tyrannie de la transparence dont seules profitent, en général, les dictatures. Si on continue à agir ainsi, à ne pas respecter la loi et à utiliser des conversations privées comme des informations publiques, plus personne ne se confiera plus à personne. Le pays ne se fermera pas seulement aux étrangers, mais à lui-même.