Les invectives lancées par le gouvernement italien contre la France, et les représailles françaises sont l’occasion de nous souvenir de ce que la France doit à l’Italie, de ce que l’Italie doit à la France et de ce que le monde doit à leur rencontre.
Sans faire ici la liste interminable des artistes d’un pays ayant travaillé dans l’autre, ni des chefs d’œuvre universels qu’ont donné ces rencontres, il serait temps de redonner du sens à ce dialogue plus que millénaire.
D’abord, il faut se rappeler que c’est dans ce dialogue que sont nés un très grand nombre de concepts et de pratiques qui fondent aujourd’hui encore non seulement nos propres pratiques et nos propres valeurs mais aussi celles du monde.
Le dialogue des artistes et des intellectuels de ces deux pays a en effet créé les conditions de la naissance de la Renaissance artistique, intellectuelle et politique du quinzième siècle dont nous sommes très largement les héritiers et qui nourrit encore notre conception de l’art. On doit aussi à ce dialogue une part importante de ce que sont les Lumières, les Droits de l’Homme, qui constituent aujourd’hui une part importante du trésor commun de l’humanité. Et tant d’autres découvertes majeures qui fondent la modernité, et dont s’inspirent les Américains comme les Chinois aujourd’hui.
Malgré tout cela, on ne sent pas à présent la même ferveur commune dans l’invention du monde de demain.
La France et l’Italie doivent retrouver le chemin de projets communs. Et il est bien des sujets où cela serait possible. Pour me faire comprendre, je ne prendrai qu’un seul exemple, souvent considéré comme accessoire, matériel et trivial, mais qui ne l’est pas : la nourriture.
En matière de gastronomie, d’art de bien manger, les Français et les Italiens ont beaucoup dialogué (sait-on par exemple que la France est, après les Etats Unis, le deuxième consommateur dans le monde des 30 milliards de choses qu’on appelle des pizzas ?). Ils ont inventé, séparément et ensemble, une large partie de la gastronomie universelle. Les Italiens ont inventé le mouvement « slow food » ; les Français ont inventé « la nouvelle cuisine ».
Ils ont encore beaucoup à se dire et à dire au monde.
Ce n’est pas anecdotique. C’est même essentiel, car c’est de l’alimentation, de ce que nous acceptons ou refusons de manger que découle non seulement l’avenir de nos secteurs majeurs, de l’agriculture au tourisme, mais aussi notre rapport au monde animal, au monde végétal.
J’aurai pu prendre d’autres exemples, tout aussi légitimes et qui mériteraient aussi qu’on travaille ensemble à améliorer le sort des générations futures : l’architecture, le design des objets, l’art des jardins. Tous secteurs qu’on croit anecdotiques, au regard des grands enjeux technologiques, et qui ne le sont pas, au regard des enjeux de l’avenir de la condition humaine. Tous secteurs dans lesquels Français et Italiens ont déjà tant apporté, séparément et ensemble.
Et si on voulait y ajouter un enjeu proprement technologique, alors il en est un qui s’imposerait, puisqu’il découle de ce qui précède, et qu’il aura bientôt plus d’importance que l’intelligence artificielle : le biomimétisme, qui réfléchit à ce que la nature a à nous apprendre et à en tirer des conséquences pratiques innombrables.
De tout cela, les artistes, les savants, français et italiens se sont déjà saisis et le peuvent plus encore ensemble. A eux de nous ouvrir la voie, une fois de plus.
En se souvenant qu’aucun renouveau artistique ne surgit et ne fleurit mieux que dans une démocratie vibrante, où les artistes sont laissés libres de créer, d’inventer, de se rebeller, de transgresser.
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