Quand, dans un pays, le pouvoir d’achat est menacé, les dirigeants politiques, comme les citoyens, oublient leurs belles résolutions écologiques. C’est ce qu’avait montré en France la crise des gilets jaunes ; c’est ce que pourrait montrer aussi la Chine aujourd’hui.
Dans la décennie 2010, 31% du montant investi dans le renouvelable mondial l’ont été en Chine, soit le double des États-Unis. Et au total plus de 200 GW dans l’éolien et 200 GW dans le solaire.
Mais, à partir de mi-2018, une récession a commencé en Chine ; à quoi se sont ajoutés plus récemment, la guerre commerciale avec les Etats-Unis, puis les émeutes à Hong Kong et deux épidémies dont on ne parle que trop peu (une peste porcine ravageuse et les premiers signes d’une inquiétante peste humaine).
Décidés désormais à tout faire pour protéger en priorité le pouvoir d’achat de leurs consommateurs, les dirigeants chinois ont cessé discrètement de subventionner les projets d’énergie solaire et ont réduit les subventions des projets éoliens. Conséquence immédiate : l’investissement dans le solaire a baissé de 40% entre 2018 et 2019 ; il ne représente plus en 2019 que 20% des investissements mondiaux dans les énergies propres soit un tiers de moins que l’année précédente. Au point que la principale entreprise du secteur, Yingli, est en défaut de paiement.
Plus même : tout est fait pour encourager l’usage du charbon, qui fournit déjà 80% de l’électricité du pays : à partir de janvier 2020, un nouveau mécanisme de fixation du prix de l’électricité issue du charbon devrait même entraîner une chute des prix de cette électricité. Et il sera fortement déconseillé de construire des centrales solaires ou éoliennes si le prix de l’électricité qu’elles produisent est plus élevé que celui d’une électricité fournie par une centrale à charbon. Par ailleurs, à travers la Belt and Road Initiative, les banques d’État chinoises ont prévu d’investir plus de 30 milliards de dollars dans la construction de centrales à charbon dans plus de vingt autres pays, d’Asie, d’Afrique, et même d’Europe, au détriment de la production d’énergie renouvelable.
Les conséquences écologiques ont été immédiates : les émissions chinoises de CO2 issues de la production d’électricité ont augmenté de 3% de 2018 à 2019. Elles dépassent désormais celles des États-Unis et de l’Europe combinés et représentent plus de la moitié des émissions mondiales liées à la production d’électricité.
Pékin se défend en affirmant que le pays a atteint tous ses objectifs écologiques, et en continuant de promettre que les émissions de CO2 du pays décroitront à partir 2030, dates à laquelle 20% de son énergie proviendrait d’énergies non fossiles. Cela n’est pas impossible, grâce au nucléaire ; en particulier par la mise en route récentes de réacteurs de 3e génération (Tishan 1 en Juin 2018 et Tishan 2 en Mai 2019). Et de nombreux autres à venir. L’AIE prévoit même que la capacité nucléaire chinoise aura presque doublée en 2035. Cela compensera la baisse de la croissance de la capacité en solaire et éolien et permettra d’absorber la hausse de la demande d’électricité. Mais pas plus : si l’exploitation du charbon ne baisse pas, les émissions de gaz à effet de serre chinoises ne diminueront pas.
Comme la destruction de forêt au Brésil, la production d’électricité en Chine concerne la planète toute entière.
La Chine vient donc s’ajouter à la liste des grands pollueurs qui ralentissent leurs efforts écologiques, en continuant d’investir dans des centrales à charbon. On les trouve aussi en Europe, en Inde, en Afrique. S’ils continuent ainsi toute action face aux défis climatiques sera vaine.
A la veille de la Cop 26, il est urgent de rappeler ces évidences : La transition vers une croissance plus positive doit commencer dès maintenant. Et l’humanité doit d’urgence se préparer à se débarrasser du charbon, et, à utiliser, d’une façon sûre, le nucléaire et les énergies renouvelables.
Tout autre sujet de discussion à Madrid serait anecdotique.
j@attali.com