Faudra-t-il qu’une deuxième vague de Covid déferle sur l’Europe pour qu’on comprenne enfin qu’on fait fausse route ? Je ne parle pas ici du terrain médical, sur lequel je me garderai d’exprimer un avis, mais des terrains économique, technologique, social, politique et éthique.
Faudra-t-il que le Covid impose un nouveau confinement de masse pour se rendre compte que ce n’est pas avec les moyens du passé qu’on va résoudre une crise d’un genre radicalement nouveau ?
La réaction à la première vague de la pandémie, a été, après une période de sidération, de donner à tous les acteurs économiques les moyens monétaires et bancaires d’attendre que la maladie se dissipe, et à tous les salariés les moyens de vivre sans travailler.
Quand on a compris que cette pandémie n’était pas passagère, et qu’elle allait avoir un impact très profond et durable sur l’économie, tous les gouvernements, de tous les pays, ont rivalisé d’imagination pour lancer des plans d’investissements.
Enfin, pas vraiment « d’imagination ».
Car on s’est contenté, dans tous ces plans, y compris le plan européen et le plan français, de ressortir des projets d’investissements enfouis dans les cartons. Ainsi, on a annoncé des projets de modernisation dans les secteurs les plus touchés, tels l’automobile et l’aéronautique. Comme si ces secteurs avaient la moindre chance de conserver le même avenir que celui qu’on leur prévoyait avant la pandémie. Et comme cela ne suffisait pas, on a aussi augmenté les montants consacrés à quelques-uns des grands programmes écologiques tant attendus, mais dont on jurait jusqu’alors qu’on manquait de moyens pour les financer.
Au total, jusqu’ici, la réponse à cette crise a donc été d’abord : « attendre ». Puis : « plus de la même chose ».
A ce moment, personne ne s’est vraiment étonné que la réponse à une crise sanitaire planétaire, ait été : « compétitivité et climat ».
L’un et l’autre sont des ambitions louables ; en particulier, en France, dont le commerce extérieur est désastreusement déficitaire, faute de compétitivité ; et où chaque jour qui passe aggrave les ravages du réchauffement climatique ; sur ce terrain des programmes excellents ont été renforcés, en particulier en matière de rénovation de logements.
Mais, en agissant ainsi, on ne répond en rien aux questions nouvelles posées par le covid :
Car, il n’y a rien, ou presque, dans ces plans de relance, pour développer les secteurs dont la première vague du Covid a montré les cruelles insuffisances, et qui forment ce que je nomme « l’économie de la vie » : l’industrie pharmaceutique, les équipements médicaux, le digital éducatif, l’hygiène, l’alimentation saine, l’eau, l’énergie propre, l’assurance, les médias, la sécurité et la formation (en particulier celle des travailleurs dont on aura besoin pour réaliser et mettre en œuvre ces investissements).
Enfin, rien n’est dit, ni pensé, de toute la nouvelle réglementation qu’il faudrait mettre en œuvre pour favoriser l’économie de la vie. C’est là un champ d’action passionnant, non coûteux, et totalement négligé.
Au total, on a espéré résoudre une crise du 21ème siècle, par des moyens pensés au début du 20ème.
Un jour, les historiens se demanderont comment la quasi-totalité des gouvernements ont pu faire une telle erreur d’analyse. Comment ils ont pu être tellement dépassés par les évènements.
Malheureusement, si une deuxième vague se confirme, on se rendra compte qu’on manque encore cruellement de ce que devrait produire massivement l’économie de la vie : par exemple, les écoles fermées, et les élèves de nouveau confinés, on réalisera qu’il aurait fallu passer l’été à commander des ordinateurs pour les professeurs et les élèves, et à préparer les cours nécessaires. Et on comprendra qu’en matière de logement, il ne faut pas seulement isoler les bâtiments, mais aussi permettre à chacun de disposer d’une pièce pour travailler à domicile ; et qu’en attendant, il faudrait transformer une large part du parc hôtelier en lieux de télétravail. Et tant d’autres choses.
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