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Il était difficile, certains diraient impossibles, en 2017, de prévoir ce qui pourrait arriver dans les cinq années qui allaient suivre. Et pourtant, nombreux étaient ceux qui, à cette date, avaient annoncé et décrit l’éventualité d’une grande pandémie, d’une guerre en Ukraine, d’une tentative de coup d’État aux Etats-Unis et d’une grande révolte en France.
Aussi, si l’on veut mieux comprendre le cadre dans lequel s’inscrivent les prochaines échéances électorales, en particulier en France, il faut se risquer à prévoir quelques-uns des événements des cinq prochaines années ; pas seulement les Prochains jeux Olympiques, ou autres coupes du monde, mais aussi les risques, plus ou moins certains, auxquels les prochains dirigeants seront inévitablement confrontés. Et se demander s’ils sont prêts à les gérer et, mieux encore, à les anticiper.
Parmi ces risques, en voici sept, sans ordre chronologique d’apparition, ni hiérarchie de gravité, mais plutôt dans un ordre de probabilité décroissant :
- Une crise climatique : elle n’est pas un risque, elle est une certitude : on sait que, dans trois ans, nous aurons atteint un point de non-retour dans notre capacité à maitriser la température de la planète. Il est donc vital, pour les dirigeants du monde, dans les cinq prochaines années, de prendre séparément et ensemble des initiatives majeures, contraignantes pour que notre planète soit encore habitable dans trente ans.
- Une famine mondiale : là encore, ce n’est pas une probabilité, mais une catastrophe certaine, qui a commencé, largement aggravée par la guerre en Ukraine, qui prive la planète d’une part très importante de sa nourriture, et de ses engrais, pour au moins deux ans, quel que soit le sort des armes. Il s’en suivra une famine qui va entrainer la mort de millions de gens, sinon plus ; et d’énormes mouvements de population, qu’aucune barrière populiste ne pourra retenir, si on ne prend pas les devants pour aider ces populations à disposer des moyens autonomes de se nourrir.
- Une pénurie de matières premières stratégiques: on sait, d’une façon certaine, que certaines matières premières sont de plus en plus rares, qu’on en consomme de plus en plus, qu’elles sont vitales pour les industries de l’avenir, par exemple pour les batteries sur lesquelles on fonde une grande partie des espoirs de maitriser le dérèglement climatique. Et pour autant, ces batteries dépendent de matériaux qu’on ne trouve en quantité que dans un ou deux pays au comportement aussi aisément prévisible que la Chine, et la République Démocratique du Congo. Sans qu’on dispose pour le moment de solution de rechange : Que se passera- t-il si une grande partie des chaines de production de batteries, ou d’ordinateurs, ou de panneaux solaires, ou d’éoliennes, ou de véhicules de toute nature est interrompue mondialement pendant des mois à cause d’un blocage de ce genre ?
- Une guerre avec la Russie: la guerre actuelle, épouvantable, ne fait vraisemblablement que commencer. Elle pourrait s’installer, durer, poussant les démocraties en support aux Ukrainiens à être de plus en plus partie prenante, et pas seulement par livraisons d’armes interposées, dans la lutte contre la barbarie qui les torture, les viole, les tue, les nie.
- Une nouvelle pandémie : aucun expert n’exclue (et certains même le considèrent comme probable) qu’un nouveau variant, de ce virus ou d’un autre, vienne un jour attaquer de nouveau massivement l’espèce humaine. Ou pire encore, bien pire. Serons-nous prêts à faire le meilleur usage de la science pour nous en prémunir ? Serons-nous capable de nous unir et de préserver la démocratie dans cette bataille ?
- Une crise financière mondiale : Depuis quinze ans, on ne résout jamais les crises, qu’elle qu’en soit la nature : on les repousse, en roulant devant nous une boule de dettes de plus en plus grosse. Cela fait revenir l’inflation, qui sera encore aggravée par les événements qui précèdent ; et les dettes, publiques comme privées, devront supporter des intérêts de plus en plus élevées, jusqu’à rendre insolvables les nations, les ménages, et les entreprises endettées. Déclenchant alors d’autres crises, sociales cette fois.
- Une crise et une révolte du système hospitalier ou éducatif français, suivi d’une crise sociale et d’une crise financière proprement nationale. Il est facile d’en tracer les contours.
D’autres crises encore sont possibles, par exemple dans le monde agricole ou dans celui de la justice ou de la culture et des médias, donc de la démocratie. Et bien d’autres encore.
Il est donc urgent de se souvenir que l’histoire est tragique ; que bien des événements, pendant les cinq prochaines années menaceront le niveau de vie, le bien-être et les libertés publiques des démocraties ; et qu’il faudra, pour bien les affronter, choisir des dirigeants conscients de l’importance d’une coopération de tous les instants entre tous ceux qu’on aura installés, pour quelque temps, dans la cabine de pilotage de l’avion de nos destinées.
j@attali.com