Dans le débat actuel sur les retraites, il y a trop de caricatures pour que chacun puisse se faire un avis. Chacun veut nous faire croire qu’il existe une et une seule solution, qui passe pour l’opposition par l’impôt et pour le gouvernement par l’augmentation de l’âge légal du départ en retraite. En fait, chacune de ces solution n’en sont qu’une parmi d’autres, et chacun pèse particulièrement sur certains Français. Essayons ici de résumer clairement les enjeux.
1. Le financement de la retraite par répartition est assuré par l’impôt et par les cotisations des actifs, qui était 4 par retraité en 1960 et qui ne sont plus que 1, 7 et ne seront plus que 1,5 en 2020.
2. L’espérance de vie moyenne en retraite est passée de 8 ans en 1981, à 13,7 ans en 1982, et 19 ans aujourd’hui. Au rythme actuel, et sans changer la législation, cette espérance dépassera 21 ans en 2020 ; la durée de vie en retraite finira par dépasser le reste de la vie, passée à étudier et travailler.
3. Dans ces conditions, le déficit des retraites, qui est de 32 milliards cette année, passera à 45 milliards en 2024 et 102 Mds en 2050.
4. Le financement de ce cout supplémentaire peut être assuré par une augmentation d’impôt ou de cotisation, qui représenterait chaque année quelques dizaines d’euros par mois pour chaque citoyen.
5. Si on décide de le financer autrement que par l’impôt, pour ne pas l’alourdir, ou pour ne pas mettre à contribution le capital ou parce qu’il faudra l’utiliser pour réduire une autre partie de la dette, on peut décider d’une contribution en nature du travail, ce qui revient à retarder l’âge du départ en la retraite.
6. Là, deux méthodes principales sont possibles : augmenter l’âge légal ou la durée de cotisation.
Selon des calculs d’un très grand démographe français, Hervé Lebras, un report d’un an de l’âge légal permet une économie de 7,5 milliards la première année et 1,5 milliard chaque année suivante. Alors qu’une augmentation d’une année du nombre d’années de cotisation permet une économie de 5,3 milliards la première année et de 1,1 milliard chaque année suivante. De plus, augmenter l’âge légal conduit à une augmentation forte de la proportion de personnes dit en « carrière longue «, obligés de travailler au-delà de l’âge légal parce qu’ils ont commencé tôt (70% par génération au lieu de 50% aujourd’hui) et du nombre moyen d’années travaillées au delà des 40 annuités légales (1,5 années en moyenne sur l’ensemble de la population et 2,1 années pour ceux qui travaillent au delà de l’âge légal). Au contraire, augmenter la durée de cotisation réduit la proportion de carrières longues qui passe à 30%, soit 0,3 années en moyenne pour l’ensemble et 1 année pour ceux qui doivent rester au travail au delà de l’âge légal parce qu’ils ont commencé tard.
Donc, si on augmente l’âge légal, ceux qui ont commencé à travailler très jeunes , sans étude, paient plus ; si on augmente la durée de cotisation, ce sont ceux qui ont commencé tardivement, parce qu’ils ont fait des études, qui portent la charge.
Entre le financement par les détenteurs du capital, les ouvriers ou les cadres, le gouvernement semble avoir choisi. Il en a le droit. Mais il ne peut pas dire que son choix est le seul possible. D’autant plus qu’il faudra sans doute employer tous ces moyens à la fois, vu l’ampleur du problème, dans des proportions qui révéleront les classes que chaque majorité privilégie. C’est l’honneur de la politique que de le faire clairement.
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