L’épouvantable tragédie nigérienne (un très jeune homme fauché par hasard à l’orée du bonheur, avec un ami venu là pour partager avec lui ce moment) est d’abord une nouvelle occasion de s’interroger sur l’énigme de la condition humaine : que vaut la vie si elle peut se réduire à cela ?
C’est aussi l’occasion de comprendre ce qui se joue aujourd’hui avec la multiplication des attaques terroristes dirigées contre des ONG.
Dans les pays du Sud, (pour l’essentiel dans des pays musulmans, mais pas seulement) les mouvements terroristes visent en effet désormais les cadres humanitaires comme ils ont attaqué les forces militaires occidentales et les agences de l’ONU. Care, Oxfam, Action contre la faim, Médecins du monde, et bien d’autres moins connues, comme celle qui employait ce jeune francais au niger, paient un tribut de plus en plus lourd à cette violence.
Mais ce ne sont pas des balles perdues. Et ces jeunes idéalistes ne sont pas touchés par hasard.
C’est d’abord parce que les ONG sont de plus en plus présentes, de plus en plus nombreuses, de plus en plus efficaces, fournissant des biens publics, en substitution des gouvernements et des institutions internationales qui leurs délèguent l’action. Elles protègent les plus faibles et leurs apportent une assistance de plus en plus significative. En matière de santé, d’alimentation, d’éducation, de financement.
Elles créent un véritable secteur économique en soit, fondé sur la négation du profit, de plus en plus efficace.
En agissant ainsi, elles tentent aussi de réparer ce que la mondialisation a de fondamentalement injuste et destructeur. Elles ouvrent ainsi une voie vers une réparation du monde, ce qui ne peut que déplaire à ceux qui dénoncent l’horreur du monde.
Elles sont aussi dangereuses pour les terroristes et leur idéologie parce qu’elles sont, pour l’essentiel, occidentales (il n’y a pratiquement pas d’ONG indienne ou chinoise en Afrique; plus généralement, il n’y a pas d’ONG des pays émergeants ailleurs que chez eux, où elles ont beaucoup à faire, en particulier en matière de droits de l’homme).
Aussi, ces ONG, venues d’Europe ou d’Amérique, donnent une belle image de leur monde : elles emploient et forment des cadres locaux. Leurs dirigeants sur le terrain ne recherche ni profit ni gloire, mais seulement donner du sens à leur vie. Elles représentent ainsi le meilleur de l’occident désintéressé et apportent la preuve que l’occidentalisation du monde n’est pas nécessairement un désastre.
Pour les terroristes, tout cela est stratégiquement inacceptable. Les ONG sont, pour eux, aussi dangereuses que pouvaient l’être les missionnaires au 19ième siècle. Et, d’ailleurs, beaucoup de discours terroristes confondent humanitaires et proselytes.
Les terroristes vont donc, de plus en plus, tout faire pour les détruire. Ou au moins pour les forcer à travailler sous protection des armées occidentales. Pour les discréditer.
C’est donc une nouvelle ligne de front et une question majeure de l’avenir : les ONG, dont dépendra de plus en plus la réussite de la globalisation, ne peuvent que travailler là où leurs équipes sont en sécurité, qu’elles ne peuvent assurer elles-mêmes.
Le terrorisme vise au coeur en les attaquant. Les gouvernements ont tort de ne pas mieux les défendre.
Voilà un beau, un vrai sujet pour le G20.