Les élections aux primaires socialistes laissent présager que, cette semaine comme les suivantes, il sera surtout question dans les médias français et dans les débats entre dirigeants politiques, de gauche et de droite, de contentieux anciens, d’alliances nouvelles, d’emplois jeunes, de démondialisation, de contrat de génération, et autres problèmes passionnants, mais n’entretenant que des rapports très lointains avec les principaux enjeux de la crise économique, financière et sociale qui grossit chaque jour, et dont chaque Français ressent, et ressentira de plus en plus, les effets.
De fait, depuis quatre ans, on n’a entendu dans ce pays comme dans beaucoup d’autres, à droite comme à gauche, ni proposer ni mettre en oeuvre aucune solution concrète aux défis immenses qu’imposent de plus en plus les contraintes de nos déficits et des dérèglements des marchés. On n’a énoncé aucun choix précis, en dehors des échappatoires de l’éloquence (quand on est dans l’opposition) et de l’endettement (quand on est au pouvoir). Et en particulier personne n’a répondu à aucune des questions fort prosaïques qu’il faudra bien un jour traiter, sous la pression d’événements de plus en plus exigeants : quelles économies budgétaires ? Quels impôts nouveaux ? Quel contrôle des banques et de la spéculation ? Quelles réformes de la sécurité sociale ? Quelle école ? Quelle laïcité ? Quelle démocratie politique et économique ? Quelle lutte contre la corruption ? Quel degré de fédéralisme européen ? Quelles projets pour nos armées ? Quelles réformes des institutions internationales ?
Il ne faut pourtant pas se faire d’illusion : tant qu’ils le pourront, les hommes et femmes politiques feront tout pour ne pas répondre à ces questions, pour ne pas agir. Et ils ne seront contraints de le faire que quand la pression venue de l’extérieur sera devenue écrasante. Et là, il sera trop tard. Nous ne serons plus maîtres de nos choix. Nous ne pourrons plus maintenir notre niveau de vie. Comme le montrent toutes les crises passées. Comme le montre aujourd’hui celle que traverse la Grèce.
Alors, on se prend parfois à penser qu’il vaudrait mieux que la crise prenne au plus vite le tour sévère, très sévère, qu’elle finira de toute façon par revêtir, pour que les hommes au pouvoir soient enfin obligés d’agir, et ne puissent plus se contenter d’expédients, qui ne font que faire grossir la taille des problèmes qu’ils légueront à leurs successeurs.
Parce que les solutions existent. Elles peuvent etre appliquées rapidement. L’actuel président aurait tout le temps d’agir. L’opposition aurait tout le temps de proposer des solutions précises et chiffrées.
Alors, s’ils ne veulent pas prendre leurs responsabilités, que les événements les y contraignent au plus vite ! Le pays aurait tout à y gagner.
C’est bien ce qu’écrit Châteaubriand dans René, quand il en appelle, par sa formule si célèbre, à oser emprunter sans attendre le passage qui mènera vers un autre monde, vers une autre vie, plus belle et plus forte, et quand il nous renvoie à la plus belle de toutes les audaces humaines : l’impatience d’affronter les dangers inévitables, pour mieux se préparer à les vaincre.