Quand un cyclone tropical se forme, des tourbillons se rassemblent et prennent la forme d’une grande colonne de vent qui monte selon des mouvements hélicoïdaux autour d’une zone protégée. On ne sait presque rien des causes de ces cyclones, des lieux où ils se forment, de la façon dont ils se déplacent. On sait seulement qu’ils offrent un répit à ceux qui résident dans ce qu’on nomme « l’oeil du cyclone », dont on ne sait rien non plus de la trajectoire, de la vitesse et de la stabilité.
Etrange moment en ce lieu : tout y est calme, alors que chacun y sait, par les annonces de la météo et par ce qu’il voit au dehors, qu’un mur d’orages et de vent menace de tout ravager et que, quand le cyclone se mettra en marche, s’ils ne prennent pas les mesures adaptées, leurs maisons, leurs automobiles, tous leurs biens, leurs vies mêmes, seront détruites.
C’est exactement ce que je ressens aujourd’hui à observer la campagne présidentielle française. On n’y parle de rien ; sinon de sujets anecdotiques. Au lieu de se préparer au cyclone, de faire des plans très précis pour réagir à ce qui s’annonce, de mettre en oeuvre des réseaux de solidarité, d’accueillir la population dans les lieux les plus solides, d’interdire des opérations qui peuvent être dommageables, nos dirigeants, et l’opinion avec eux, semblent décidés à ne rien faire, sinon à admirer les dégâts causés ailleurs par la tempête. Ils ne veulent pas voir que la France n’est que dans l’oeil du cyclone. Ils pensent qu’elle en sera épargnée. Ils refusent d’admettre qu’elle est entourée de tempêtes qui pourraient la détruire si elle ne s’y prépare pas ; et si, en particulier, les candidats à la prochaine élection présidentielle ne proposent pas clairement des stratégies pour y faire face.
Nous avons en effet devant nous des orages innombrables, qui exigeront bientôt une action : que ferons-nous si le gouvernement syrien continue de massacrer sa population ? Si l’Iran devient une puissance nucléaire avec le but affiché de détruire un de ses voisins ? Si la Corée du Nord accélère son programme d’essais nucléaires militaires ? Que ferons-nous si un pays riverain de la Méditerranée ou dans l’Afrique Sub Saharienne passe sous la coupe de dirigeants islamistes et déterminés à imposer la Charia chez eux et ailleurs ? Que ferons-nous quand la crise financière, très passagèrement assoupie, reprendra de sa vigueur en Europe ? Que ferons nous si la Hongrie devient une dictature en février, si la Grèce fait faillite en Mars, si l’Italie ne réussit pas à refinancer ses banques, si la France ne réussit pas à financer son déficit public ? Que ferons nous si nos établissements financiers réduisent massivement leurs crédits à l’économie et en augmentent les coûts, tout en montrant, par des dividendes et des bonus très largement versés à leurs actionnaires et à leurs traders, qu’elles n’ont rien compris à ce qui se joue ? Que ferons-nous quand la précarité, le déclassement des diplômés, la montée du chômage, la fermeture de toutes les portes à toutes les initiatives poussera la jeunesse la mieux disposée au désespoir et à la violence ?
De tout cela, nul ne parle ; chacun est trop occupé à ne pas y penser. Etrange moment, dont nous paierons très cher le prix, s’il dure trop longtemps.