La situation du Mali nous concerne au premier plan. Cet empire fondé au 13ème siècle, berceau de mille cultures, dont celle des Dogons, est aujourd’hui un pays coupé en deux : au Sud, un gouvernement provisoire terrorisé par des militaires qui parcourent les rues, envahissent les palais nationaux et menacent les passagers aux aéroports. Au Nord, l’Azawad, un territoire très vaste et magnifique, disputé par les terroristes de l’AQMI et des indépendantistes laïcs targuis, qui viennent de s’unir à des islamistes maliens, proclamant l’indépendance d’un « Etat Islamique de l’Azawad ».
Au total, un pays qui pourrait paraître sans importance, perdu au milieu de nulle part, sans ressources naturelles ni population. En réalité, un problème qui pourrait devenir beaucoup plus important pour notre sécurité que ne l’était, et ne l’est encore, l’Afghanistan.
D’abord parce que nous ne pouvons pas rester indifférents devant la catastrophe humanitaire qui s’y annonce.
Ensuite encore parce que ce pays devient le point de rencontre de forces maléfiques venues du monde entier : des armes venant de Libye (on a perdu trace de 10 000 missiles sol-air), des trafiquants de drogue venant d’Amérique latine (passant par la Guinée Bissau, le Nigéria et d’autres pays, et remontant vers l’Europe par d’innombrables aéroports clandestins). Là comme en Colombie, on assiste à une collusion entre narcotrafiquants et militants politiques extrémistes. Avec, cette fois, en plus, un fondamentalisme religieux.
Ensuite encore parce que cette sécession peut déstabiliser tous les autres pays de la région, de la Mauritanie au Tchad, de l’Algérie au Sénégal, du Nigéria à la Libye.
Enfin, parce que cette région peut devenir une base arrière de formation de terroristes et de kamikazes, qui viendront s’attaquer aux intérêts occidentaux un peu partout dans la région ; et même, par de multiples moyens de passage, en Europe. Ils ne sont encore que quelques centaines ; si rien n’est fait, ils seront bientôt plusieurs milliers, venus du Pakistan, d’Indonésie et d’Amérique Latine. Et les gisements d’uranium du Niger, essentiels à la France, ne sont pas loin.
Les médiations en cours, sous la direction du Burkina Faso, semblent s’enliser.
Il faut donc agir avant que ne se cristallise au Mali un bastion inexpugnable du terrorisme international. Au Sud, pour redonner aux autorités civiles les moyens de décider sans peur, de rétablir la sécurité, de restructurer l’appareil militaire et de faire redémarrer l’activité économique. Au Nord, pour mettre fin à cette sécession, il faudra une action militaire sur le terrain, avec un appui logistique à distance, des moyens d’observation, des drones et une capacité d’encadrement stratégique.
Qui peut faire tout cela ? Evidemment pas le gouvernement malien tout seul, qui n’a ni armes, ni autorité. Pas non plus la CEDEAO, qui n’a pas les moyens militaires suffisant pour assurer l’ensemble de l’action nécessaire et qui ne peut même pas espérer en recevoir la demande du gouvernement malien, sous influence de forces incertaines. Pas non plus l’OUA ; en tout cas pas seule.
Alors qui ? L’ONU ? L’OTAN ? La question va se poser très vite. Là encore, l’Europe devrait évidemment être unie et se mettre en situation de décider et d’agir. Elle ne l’est pas. Or, si les médiations actuelles échouent, il sera bientôt nécessaire de réfléchir à mettre en place une coalition du type de celle qui a fonctionné en Afghanistan. Avant qu’un équivalent du 11 septembre 2011 ne vienne l’imposer.