Pendant que des avions disparaissent, explosent ou tombent les uns après les autres, sur tous les continents, sans aucune explication (on ne sait toujours rien de la disparition du vol de la Malaysia vers Pékin ; on ne connaît pas avec certitude l’identité du lanceur d’un missile, sur le sol ukrainien, contre un autre avion de la même compagnie volant vers Kuala Lumpur, ni de la raison de la chute de l’avion d’Air Algérie venant de Ouagadougou et allant vers Alger), pendant que des populations civiles tombent sous les bombes en l’absence de médias (en Lybie, en Syrie ou en Irak) ou en direct à la télévision (à Gaza et en Israël), pendant que des Etats se défont (l’Ukraine et l’Irak) et que d’autres surgissent (le Kurdistan et le Sud Soudan), pendant que des alliances nouvelles et inattendues se forment (Egypte, Etats-Unis, Arabie Saoudite, Israël et Iran contre les islamistes sunnites), pendant que des gens meurent de faim, plus que nombreux que jamais partout dans le monde, pendant que partout les plus pauvres continuent de payer le prix d’une crise dont ils ne sont en rien responsables, les marchés financiers continuent de monter, les riches de dépenser et les hommes politiques de pérorer.
On voit des ministres, venus de tous pays, passer de capitale en capitale, de plateau de télévision en plateau de télévision, faisant semblant de s’occuper gravement de problèmes dont la dynamique et la solution leur échappent totalement.
En Europe, continent particulièrement endormi, où toutes les énergies ont été focalisées pendant un mois vers les résultats de matchs de football, occasions d’étranges retours (qui a vraiment lu le slogan qui s’étalait sur le bus de l’équipe d’Allemagne ? « Une nation, une équipe, un rêve », qui rappelle scandaleusement celui du 3ème Reich (« un empire, un peuple, un Führer »), d’autant plus que le slogan devint, après leur victoire : « Maîtres du monde »…), l’été est maintenant occupé par le feuilleton de la répartition des portefeuilles dans le gouvernement de l’Europe, la Commission, au pouvoir d’autant plus dérisoire que, depuis au moins 20 ans, elle n’en a pas fait l’usage.
En France, toute occupée à célébrer, commémorer, pleurer, les morts d’hier et d’aujourd’hui, on oublie un peu de s’occuper sérieusement des vivants.
Notre pays risque de regretter bien longtemps son sommeil de l’été 2014.
C’est en effet, au milieu de ce monde tragique, et qui le sera de plus en plus, le dernier moment, au moins pendant le mandat de l’actuel président, pour prendre enfin les décisions courageuses que la lâcheté, l’aveuglement, la procrastination générale interdisent de prendre depuis plus de 20 ans.
C’est en ce beau et terrible mois d’Août 2014 que doivent absolument être faits les ultimes choix pour le budget 2015, dont l’exécution nous conduira à l’orée de la prochaine campagne présidentielle.
Chacun sait ce qui est à faire, de la suppression des départements à l’éradication de toutes les rentes, de la réforme radicale de la formation professionnelle à celle du logement, de la TVA restauration à l’abattement des « frais professionnels » des retraités. Il reste un mois, six semaines au plus, pour prendre et expliquer ces décisions si lâchement négligées, si honteusement bâclées par les Présidents précédents, et que l’actuel n’a pas encore prises.
Elles sont d’autant plus urgentes que la situation du pays est dramatique ; bien plus qu’on veut bien le reconnaître ; bien plus qu’on essaie de le cacher par mille diversions : la croissance n’est pas là ; le chômage augmente ; les déficits s’entêtent à ne pas baisser, malgré des efforts d’économie ; la dette publique ne se réduit pas. Le commerce extérieur ne s’améliore pas ; nos élites s’en vont ; et celles qui restent baissent les bras. L’extrême droite s’installe dans les villes et les quartiers.
Le pays tout entier se décompose en une juxtaposition de castes, de communautés, de corporations, de provinces, de générations, à qui personne n’explique qu’elles auront, quoiqu’elles fassent, le même destin. A qui personne n’explique, non plus, le formidable avenir qu’elles peuvent avoir ensemble, si elles s’en donnent le projet.
Il faut avoir maintenant le courage de penser à l’intérêt du pays et non pas à sa propre tranquillité, de mettre enfin le pays au courant de la tragédie qu’il s’apprête à vivre, de lui montrer le chemin, démocratique, vers sa grandeur et sa sécurité.