S’il réussit à le mettre en œuvre, cela sera sans aucun doute le projet le plus important de son mandat. S’il échoue, cela restera comme un rendez-vous manqué qui marquera le début du démantèlement de la construction européenne.
En reprenant, depuis une semaine, l’idée évoquée ici (dans L’Express du 06/07/2015) d’un parlement de l’eurozone, composé de parlementaires européens et/ou de contingents de membres des parlements nationaux, auquel serait confié le rôle de contrôler un futur gouvernement économique européen, lui-même en charge d’organiser la solidarité fiscale et le respect de normes communes, le président français a franchi le Rubicon: sans le dire explicitement, il admet, par cette proposition, que l’Union européenne ne peut rester ce qu’elle est sans échouer et se défaire, et que, en particulier, l’avenir de l’eurozone est de devenir très vite un espace fédéral, ou d’exploser.
François Hollande admet ainsi qu’il porte et conduit désormais un projet fédéraliste. Il assume donc de contredire le point de vue et la philosophie d’une large part de sa majorité et de rejoindre celui d’une vaste minorité de sa minorité. En clair, il s’oppose à une partie des socialistes et devrait être approuvé par le Modem et nombre de Républicains.
Attendons donc avec impatience les propositions concrètes franco-allemandes qui devraient suivre et préciseront ce projet à peine esquissé. L’Allemagne y mettra sans doute surtout du contrôle quand la France y placera surtout de la solidarité. Ce n’est pas grave: les deux sont nécessaires.
Attendons aussi avec amusement les réactions des partis politiques français, qui devront sortir de leur assourdissant silence pour commenter ce mouvement et se positionner face à lui. Et ce n’est pas une mince affaire, car une telle initiative structure tout le reste d’un projet politique.
Attendons encore de voir comment les politiciens de tout bord essaieront d’expliquer que ce projet n’est pas nécessaire, voire qu’il remet en cause la souveraineté nationale. Pourtant, la crise grecque devrait au moins avoir rappelé à tous ces deux évidences:
1. Un pays du sud de l’Europe a besoin de solidarité fiscale et d’assistance technique pour construire son État.
2. Un pays du Nord de l’Europe a besoin de la même chose, car le prix à payer en cas de sortie de l’euro, en termes de compétitivité, serait insupportable.
L’Allemagne le comprend bien, qui, avant tout le monde, a parlé de ce projet fédéraliste. L’Italie a clairement saisi qu’elle est la prochaine victime désignée.
En toute logique, ce mouvement de bon sens devrait donc conduire à une recomposition de la classe politique française. Ou tout le moins à un grand débat national sur la nature du projet fédéral européen, sur le montant des ressources et des compétences à mettre en commun. D’ores et déjà, nul ne peut plus négliger qui il existe le Mécanisme européen de solidarité (MES), qui va être mis à contribution pour la Grèce et dispose de 500 milliards d’euros. On verra vite qu’il faudra sans doute tripler ce montant et le faire financer par un transfert de recettes fiscales adapté.
A moins qu’une fois de plus, la classe politique française et européenne décide de ne pas voir les choix à effectuer et continue à procrastiner. Comme elle le fit pendant de longs mois pour la Grèce, ou comme elle continue de le faire pour les migrants traversant la Méditerranée. Avec le résultat que l’on sait.