Dans les troubles du monde, on entend le bruit de plus en plus terrible de la violence des criminels et des terroristes, et les réponses de plus en plus répressives des policiers et des militaires. Dans les deux camps, pour l’essentiel, ce sont des hommes. De même, quand on veut introduire la voix de la non-violence, de l’amour et de la paix, on parle un langage d’homme, on en appelle à la « fraternité », comme si seuls des frères étaient capables d’amour.
On passe ainsi à côté de l’essentiel : le véritable amour est féminin, seul capable de tous les sacrifices. Autant l’amour d’une sœur (pourquoi parler de « fraternité » et pas de « sororité » ?) que celui d’une compagne, et plus encore l’amour d’une mère. Autant aussi que l’amour d’un homme, si viril soit-il, quand il assume sa part féminine et comprend que l’essentiel de son bonheur vient de ce qu’il donne aux autres et non de ce qu’il leur prend.
Les mères, en particulier, trouvent leur bonheur dans la vie et dans le bonheur donné à leurs enfants. Plus que personne, elles pensent à l’épanouissement des générations suivantes ; elles comprennent, avant tout le monde, quand et pourquoi leurs enfants dérapent et s’éloignent d’une ambition juste. Si on écoutait les mères, les sœurs et les femmes amoureuses, si on leur donnait les moyens d’agir, le monde serait radicalement différent, infiniment plus pacifique qu’aujourd’hui.
Cela n’est pas nouveau. Ce sont les femmes qui, souvent dans l’Histoire, ont empêché les hommes de faire des folies. Et l’histoire de Lysistrata, que raconte Aristophane, se retrouve presque à l’identique dans d’innombrables civilisations et mythologies : la grève du sexe pour forcer les hommes à faire la paix. Les mères peuvent aussi exiger de leurs enfants qu’ils cessent de se battre. Mais elles ne peuvent seules, si les hommes les abandonnent, maintenir leur progéniture dans le droit chemin.
Aujourd’hui, si on écoutait les femmes, et d’abord les mères, les conséquences seraient immédiatement très positives. D’abord, on les respecterait davantage, et bien des violences cesseraient, dont elles sont victimes. Ensuite, on entendrait ce qu’elles crient, en général en vain : les enfants élevés sans famille ni éducation sont des proies faciles pour les sectes et les bandes de toute nature. Dans les circonstances actuelles, cela signifierait, en particulier en France, qu’il faut écouter les femmes de tous les milieux, leur donner les moyens de parler aux jeunes et aux hommes, et suivre les conseils suivants, qu’elles donnent aux politiques :
1. Se préoccuper des enfants dès la maternelle, afin qu’ils acquièrent le même vocabulaire.
2. Surveiller les jeunes adolescents, surtout ceux élevés sans père, pour s’assurer qu’ils suivent les cours et bénéficient des mêmes conseils d’orientation que les autres. Là se joue la vie, là peut commencer une dérive vers le pire.
3. Aider les femmes à parler aux jeunes adultes, en mères, en compagnes ou en sœurs, pour détecter cette possible dérive.
4. Fournir aux associations en charge de l’orientation les moyens de travailler.
On est loin du débat pitoyable sur l’ampleur nécessaire de l’arsenal répressif : ne s’intéresser qu’à cela, c’est tenter de vider une baignoire qui déborde, aux robinets grands ouverts, avec une petite cuillère. Il est urgent de sortir de la surenchère répressive pour donner aux mères les moyens massifs d’une action associative efficace. Si on ne le fait pas, ce ne sont pas quelques terroristes isolés qui nous menaceront, mais des générations entières d’enfants perdus. A nous de ne pas gaspiller le trésor qu’ils représentent.