La crise grecque illustre le retour du chacun pour soi et la fragilité de l’Europe. La gouvernance mondiale via le G20 aura été une illusion de courte durée.
Pendant que les agences de notation continuent d’oser donner leur avis sur une crise qu’elles ont contribué à provoquer par leur laxisme, pendant que les dirigeants européens continuent de tout faire pour ne rien prêter à la Grèce, tout en prétendant le contraire, pour garder leurs ultimes ressources pour leurs propres banquiers, pendant que la crise financière avance à grands pas, des millions de gens continuent de perdre leur emplois à travers le monde, et menace une récession pire que celle de 2008.
Vain G20
Pendant ce temps, le G20 continue à ne servir à rien. Après les discours ronflants qui avaient précédé et suivi les premiers G20, à Londres et à Pittsburgh, les réunions suivantes sont passées de plus en plus inaperçues. Jusqu’à celle de Washington, la semaine dernière, qui fut un échec total. Cette indifférence s’explique aisément: presque plus personne n’en attend quoi que ce soit.
Et pourtant, depuis qu’on a, avec tant de fanfares, lancé ce nouveau forum, qui devait installer une véritable gouvernance mondiale, bien des choses ont été promises par les dirigeants de ces pays, entre deux photos et trois conférences de presse: installer une réglementation financière pour contrôler la spéculation; obliger les banques à augmenter leurs fonds propres; faire disparaitre les paradis fiscaux; contrôler les bonus; distinguer les activités spéculatives de la gestion de l’épargne; faire en sorte, enfin, que les instruments d’assurance ne servent plus à faire des paris. Le G20, promettait-on, allait rendre moral le capitalisme.
Le retour du chacun pour soi
De tout cela, il ne reste rien. Plus personne même n’en parle. Ou, plus précisément, chacun n’en parle plus que pour lui-même. Les Etats-Unis tentent, dans la grandeur de leurs institutions démocratiques, de mettre à nu un système dont ils n’ont pas les moyens de contrôler l’évolution, dans le seul but de sauver leur propre système bancaire. Les Européens gardent en fait leur argent pour financer leurs propres déficits, et ne veulent pas le voir disparaître dans le puits sans fonds de la dette grecque, puis espagnole. Et les Chinois, de réunion en réunion, font valoir leurs nouveaux pouvoirs.
Une fois de plus, la dette souveraine est au cœur de la géopolitique. C’est elle qui dicte l’avenir des nations. C’est elle qui pousse au chacun pour soi.
Il faut bien comprendre ce qui se joue là. Une véritable dépression mondiale est devant nous. Non par les nécessités de l’économie. Mais par la lenteur, la myopie, l’égoïsme, de ceux qui conduisent le monde en ces moments difficiles. Les victimes seront d’abord les Européens, parce qu’ils sont divisés, parce qu’ils ne réalisent pas l’urgence, parce que les chefs de gouvernement européens ont mieux à faire que de se réunir autour du 10 mai! Puis viendra le tour des Américains, parce qu’ils sont cigales. Puis le reste du monde suivra, parce que nul ne pourrait survivre à la faillite de la moitié la plus riche du monde.
Une urgence: muscler l’UE
Il est encore possible de l’éviter. Avec beaucoup d’audace. Il est temps, pour les Européens, de comprendre l’urgence de leur unité: ils sont le maillon faible du monde. Il est temps de penser à mettre en œuvre à l’échelle du monde ce qui a été soi-disant décidé dans les précédentes réunions du G20. Sinon, il ne restera bientôt plus rien à faire que de mettre en place une caisse d’amortissement planétaire de la dette mondiale, comme on l’a fait en 1930 pour la dette allemande, alors qu’il était déjà trop tard pour éviter la catastrophe.
Le prochain sommet du G20, à Ottawa, à la fin du mois de juin (précédé du New York Forum, où se retrouveront les principaux dirigeants des plus grandes entreprises mondiales), sera le sommet de la dernière chance. Il importe de le préparer très vite, très sérieusement. Si on ne veut pas qu’il ressemble à un repas de funérailles.