Pendant que les dirigeants européens s’éparpillaient, les uns dans des débats électoraux pathétiquement futiles, les autres dans des voyages sans urgence chez le nouveau maitre chinois, les marchés, (à qui nous avons tous été bien contents d’avoir recours, pendant des années, pour leur emprunter de quoi maintenir un train de vie que notre travail ne justifiait plus) ont commencé à nous demander des comptes.
Personne n’était là pour leur répondre : Comment a-t-on osé ne rien faire, alors qu’on s’était empressé de sauver notre système financier? L’Europe est-elle, pour les Européens, moins importante que ses banques ?
Il aura fallu qu’on approche de la catastrophe, en Grèce, pour qu’on prenne, dimanche dernier, quelques semblants de décisions, échangeant une aide de l’Union européenne et du FMI contre des économies budgétaires hellènes. Des décisions inapplicables : Jamais les Grecs, en effet, ne mettront en œuvre un programme d’austérité aussi sévère que celui qu’on prétend leur imposer. Cela tombe bien : jamais les autres Européens n’ont eu l’intention de leur verser l’argent qu’ils leur promettent aujourd’hui : chacun des gouvernements de l’Union, en effet, comme chacun d’entre nous, sentant que le pire s’annonce, préfèrera garder pour lui-même le peu d’argent qu’il a (ou qu’il pense pouvoir encore emprunter).
La solution ne consiste donc pas à prêter à la Grèce un argent qu’on n’a pas, en s’endettant d’avantage : la Grèce devrait-elle demain prêter au Portugal, l’argent que la France lui prêterait aujourd’hui ? Absurde !
Les Européens semblent ne pas réaliser que les Américains comme les Chinois se préparent, eux, à sortir de la crise par une combinaison d’investissements, de dévaluation, d’inflation et d’économie de guerre, dont nous serons les principales victimes. Ils ne réalisent pas que ces deux principaux acteurs du monde se sont donné une gouvernance efficace : Les Chinois ont donné tout pouvoir à un parti ; les Américains ont confié l’essentiel des manettes à leur Banque Centrale : Mr. Hu Jin Tao et Mr Bernanke sont, aujourd’hui, les deux vrais maitres du monde.
L’Europe ne peut pas faire de même : personne n’y accepterait, et c’est heureux, une dictature du prolétariat ou, encore moins, de Jean Claude Trichet.
Si l’on veut pourtant éviter le désastre, nous avons besoin de voir les chefs d’Etat de nos pays se réunir demain, après demain, sans fin, comme ce fut le cas en 2008 sous présidence française, pour agir et se doter d’une capacité d’emprunt en bons du trésor européens, qui trouveraient immédiatement preneurs, et qui suffiraient à mettre fin à cette crise, en donnant le temps d’agir sur l’essentiel, c’est-à-dire le désordre des dépenses publiques, l’absence de coordination fiscale et de réglementation bancaire.
C’est possible. Il suffirait de décider, dès demain, de la création d’un Agence Européenne du Trésor, immédiatement autorisée à emprunter au nom de l’Union, et d’un Fond Budgétaire Européen, immédiatement mandaté pour contrôler les dépenses budgétaires des pays dont la dette dépasse les 80% du PIB.
Si les dirigeants européens n’agissent pas en ce sens au plus vite, ils seront emportés par l’avalanche. Et nous, pour un moment, avec eux.