Après la fin de la guerre froide, tout laissait penser que l’arme nucléaire cessait bientôt d’avoir une raison d’être. De fait, cette semaine, trois événements majeurs vont dans ce sens :
D’abord, l’accord qui vient d’être signé à Prague entre les Russes et les Américains remplace START I, signé en 1991 à Moscou, arrivé à expiration en décembre 2009, réduira à 1.550 les 2.200 d’ogives nucléaires possédées par chacune des deux superpuissances ; de plus, le nombre de vecteurs (missiles intercontinentaux à bord de sous-marins et de bombardiers), déployés ou non, sera ramené à 800 contre 1600 aujourd’hui.
Ensuite, les Etats-Unis viennent de s’interdire solennellement d’utiliser l’arme nucléaire contre des pays n’en disposant pas ou ayant signé le traité de non-prolifération nucléaire, sauf l’Iran et la Corée du Nord. Autrement dit, une guerre contre un pays non nucléaire restera conventionnelle. C’est un changement radical en ce qu’il réduit la possibilité d’utiliser l’arme nucléaire sur les champs de bataille, et rend donc son usage moins aléatoire.
Enfin, le Président Obama a réussi réunir à Washington 47 chefs d’Etats et à les mobiliser contre le «terrorisme nucléaire».
Ce sont là des avancées considérables. Mais on est loin du compte.
D’abord, parce que, en dehors des deux superpuissances, d’autres pays autorisés par les traités (France, Grande Bretagne et Chine) ou non (Israël, Inde, Pakistan) ont chacun plus de 100 et certains même plus de 200 ogives. Ensuite parce que d’autres pays comme l’Iran ou la Corée du Nord laissent entendre presque ouvertement qu’ils ne s’interdisent pas de l’avoir. Ensuite encore parce que, alors qu’il suffit de 25 kg pour fabriquer une bombe nucléaire et de quelques grammes de déchets pour fabriquer une bombe sale, 1 587 tonnes d’uranium hautement enrichi permettant l’élaboration d’une bombe sont entreposées dans 40 pays, dans des conditions parfois très hasardeuses, sans qu’un contrôle international sérieux soit en place.
Enfin, parce qu’une nouvelle catégorie de pays quasi-nucléaires est en train d’apparaitre : ceux qui s’approchent de la possession de l’arme nucléaire et restent à trois ou six mois de sa possession. Il est en effet possible, selon les traités, en toute légalité, de se doter des pièces séparées d’une arme, de son combustible et de son lanceur, sans les assembler, ni même reconnaitre qu’on a l’intention de le faire. L’effet dissuasif est alors identique. C’est le cas aujourd’hui du Japon. Cela sera bientôt sans doute celui de la Corée du Nord. Puis de l’Iran. Et sans doute, après demain, de beaucoup d’autres pays, qui seront venus se fournir dans le supermarché du nucléaire qu’est devenue la Corée du Nord, sous l’œil bienveillant de la Chine, et impuissant des Etats-Unis, qui ont trop à demander économiquement à la Chine pour faire pression sur elle.
Comment alors intervenir pour les en empêcher ? Comment lutter contre cette quasi prolifération parfaitement légale ?
Aucun traité ne peut en prémunir. Seules peut y parvenir la sagesse des dirigeants et la qualité de la gouvernance. La seule garantie, fragile, de l’un et de l’autre est la mise en place d’institutions démocratiques, avec la transparence et les contrepouvoirs qu’elle implique. La démocratie serait le seul garant planétaire de la paix nucléaire. On en est loin.