Chacun sait, chacun répète, que la France doit réduire sa dette publique. Chacun sait, chacun répète, que la campagne ne porte pas sur ce sujet. Chacun sait, chacun répète, qu’aucune économie sérieuse n’est proposée par aucun candidat. Chacun sait, chacun répète, que les objectifs acceptés par la gauche et la droite sont totalement hors de portée, parce que nul ne sait comment réaliser l’excédent budgétaire nécessaire pendant 10 ans au moins, à partir de 2017 au mieux.
Et pourtant pourtant, rien ne change. La campagne s’étire, comme en baillant. On s’y ennuie, on n’y parle, à droite comme à gauche, que de minuscules détails, de dépenses nouvelles non chiffrées ou d’impôts symboliques, mais ne rapportant rien.
Si on continue comme cela jusqu’au 6 mai, voilà ce qui nous attend.
Le 7 mai, si Francois Hollande est élu, la droite entrera dans une grave crise et explosera, pour le plus grand plaisir du Front National. Le nouveau Président annoncera que la situation financière est épouvantable, pire que celle annoncée par les équipes précédentes, et qu’il lui faut étudier de près la réalité avant d’agir. Les marchés financiers, dont dépendent les trois quarts du financement de notre dette publique, s’inquiéteront et rendront plus couteux les emprunts que l’Etat devra faire en mai, pour payer les salaires des ses fonctionnaires. Les préteurs exigeront immédiatement du Président, et de son premier gouvernement, des réformes et des coupes très brutales, avant même les élections législatives de juin. Pour ne pas les perdre, l’exécutif tergiversera et n’annoncera rien de sérieux. Après les législatives, la gauche, qui les gagnera, dénoncera des comptes maquillés par la droite, et lui fera porter la responsabilité des économies et des hausses d’impôts nécessaires. Elle annoncera qu’il faudra trouver au moins 20 milliards en 2012 et, si la croissance n’est pas au rendez-vous, ce qui est vraisemblable, le double en 2013, et le double encore en 2014. Et plus encore dans les 3 années qui suivront. Il ne sera plus question de largesse d’aucune sorte. Pendant tout le quinquennat.
Le 7 mai, si Nicolas Sarkozy est réélu, la gauche basculera dans une grave crise ; le parti socialiste explosera ; une partie de ses membres ira rejoindre Jean-Luc Mélenchon, qui deviendra le chef de l’opposition ; la droite pourra plus aisément passer les échéances d’emprunt de juin ; elle gagnera les législatives, sous les applaudissements prudents des marchés. Mais elle devra, elle aussi, révéler, dès juillet, que le déficit budgétaire de 2012 sera finalement supérieur à ce qu’annoncent aujourd’hui les comptes, en raison dira la droite, d’erreurs impossibles à prévoir. Pour tenir les prévisions de réduction de la dette publique, qu’exigeront les préteurs, la droite décidera de coupes brutales dans les budgets sociaux, sans augmenter les impôts des plus riches. Cela se traduira par une chute de la croissance et des revenus fiscaux. La nouvelle gauche mettra des millions de gens dans la rue ; les grèves se multiplieront. Les marchés commenceront à s’inquiéter. Les taux d’intérêt augmenteront massivement. La crise sera là. Pour tout le quinquennat.
Dans les deux cas, le pays paiera le prix d’une campagne électorale totalement ratée. Non de la faute des candidats. Ni des journalistes. Mais des élites françaises, qui n’auront pas su sortir à temps de la douceur de vivre, de la drôle de guerre, de l’ivresse trompeuse.