Dans les pays les plus développés, où la précarité est devenue politiquement insupportable, chacun a voulu se protéger contre les risques : les citoyens contre les risques de maladie et de vieillesse ; les entreprises contre les risques économiques. Des systèmes de protection, publics et privés, ont été mis en place. En particulier, des compagnies d’assurance.
Pour garantir qu’elles pourront bien couvrir les dommages qu’ils prétendent garantir, ces compagnies disposent en principe d’une cagnotte qu’elles placent, pour le bien etre de tous. Comme pour les banques, cette cagnotte doit respecter certaines règles, dites Solvency I, qui permettent de vérifier que les assureurs auront, le moment venu, les moyens de faire face aux risques qu’ils couvrent et, selon des règles nouvelles, qu’ils ont une probabilité quasi nulle ( 0, 5%) de faire faillite à un an.
En particulier, ils doivent publier tous les six mois une « marge de solvabilité », proportion entre le total de leurs engagements en assurance vie (leur dette vis-à-vis des épargnants) et des provisions constituées pour faire face à ses engagements en assurance dommage (leur dette vis-à-vis des agents économiques), et leurs fonds propres.
Ces fonds propres sont la somme des capitaux propres de la compagnie d’assurance, de sa dette subordonnée et d’une estimation des profits que la compagnie pourrait générer par ses placements. Ces placements ne sont donc pas évalués selon leur valeur immédiate, sur le marché, mais selon une valeur à long terme calculée en général en utilisant des modèles mathématiques
Tout cela donne des valeurs très incertaines : d’abord parce que cela suppose que la loi des grands nombres joue, et qu’un acheteur trouve toujours un vendeur, ce qui s’est révélé faux pour les banques. Ensuite parce que les assureurs, victimes des taux d’intérêt trop bas, promettant des rendements très élevés à leurs clients, ont placé une partie importante de leurs réserves dans des produits très risqués et même dans des CDS , polices d’assurance d’un genre particulier, dissimulées dans des hedge funds ou des obligations structurées, et même dans des produits dérivés de ces CDS. Enfin parce que, avec la crise, certains placements considérés comme très surs, comme les obligations des institutions bancaires, sont dévalorisés par les risques de leur nationalisation à une valeur dérisoire.
Au total, les ratios de solvabilité des assureurs sont devenus très fragiles. Et comme le secteur des assurances n’est pas régulé mondialement, l’International Association of Insurance Supervisors (« IAIS »), qui regroupe tous les régulateurs d’assurance, ne publie même pas de statistiques. On ne peut donc que se risquer à des évaluations : il semble que les compagnies d’assurance aient environ au total 25.000 milliards de dollars (25T) d’engagements (environ 80% pour l’assurance vie et le reste pour l’assurance dommage) contre seulement 1 à 1, 5T de fonds propres.
C’est très peu. Trop peu : une catastrophe naturelle majeure, des faillites en série ou la nationalisation de grandes banques, déclencherait la faillite des assureurs, qui serait encore moins tolérable que celles des banques : Les épargnants (dont les retraités) perdraient leurs avoirs ; les entrepreneurs ne trouveraient plus personne avec qui partager les risques ; les entreprises comme les ménages perdraient une source de financement au moins aussi importante que les banques.
Autrement dit, la nationalisation des banques précipitera celles des compagnies d’assurances. Masquer cette réalité en changeant les règles comptables ne fera que retarder l’échéance. De tout cela, naturellement, le G20 ne parlera pas.