Puisque la crise financière et économique a été causée par l’excès de l’endettement, et puisque, aux dettes privées s’ajoutent de plus en plus des dettes publiques, la crise ne pourra être résolue qu’en permettant aux débiteurs d’étaler leurs dettes, ou même de ne pas les rembourser.
Et, pour cela, beaucoup pensent désormais qu’une augmentation générale des prix et des salaires constituerait la meilleure solution, parce qu’elle réduirait la part à consacrer au service de la dette dans le revenu.
Cette solution peut paraitre impossible : Depuis 30 ans, on a chassé partout l’inflation, parce qu’elle a provoqué la ruine des plus pauvres, et en particulier des retraités et parce qu’elle signifie une rupture de la loyauté entre créanciers et débiteurs. Plus encore, avec la crise, nous sommes même entrés dans une période de déflation, où chacun attend pour acheter que les prix baissent encore, et où la baisse de la demande, le chômage, et la chute des matières premières auto entretiennent une spirale baissière.
Cette solution peut paraitre vraisemblable : le doublement en douze mois de la masse monétaire américaine, l’énormité du «quantitative easing» des Banques centrales ne peuvent pas ne pas avoir comme conséquence une augmentation de la demande, qui sera confrontée à une baisse de l’offre quand les faillites en cours auront fait leur effet.
Cette solution peut paraitre idéale : sans que personne ne le décide, la dette s’allégerait, les consommateurs seraient poussés à acheter plus vite, avant que les prix ne montent d’avantage ; la machine économique repartirait ; seraient vite indexés les salaires, les prix, et les retraites ; les taux d’intérêt monteraient.
Seraient vainqueurs tous ceux qui travaillent, s’endettent et gagnent un revenu : les salariés, les acheteurs d’immobilier, les entreprises s’endettant pour investir; les Etats dont la valeur de la dette serait réduite; les banques elles-mêmes ne souffriraient pas, puisque l’inflation réduirait leurs passifs, (même si elles devront subir quelques pertes liées a leur portefeuille obligataire) et puisqu’elles gagneraient de l’argent en revenant à leur métier d’intermédiaire entre les déposants et les emprunteurs. De même pour les compagnies d’assurance, qui verraient se réduire leurs engagements à l’égard des retraités.
Les victimes seraient aussi nombreuses: les créanciers, les fonds de pensions, les détenteurs d’obligations non indexés, ceux des retraités dont les pensions ne seraient pas indexables, les riches patrimoines, les détenteurs de compte courant, les fonds souverains; les Etats auraient le plus grand mal à se refinancer en obligations.
Les victimes ayant assez de pouvoir politique ( les riches privés et les fonds souverains ) tenteraient de reporter le cout du désendettement sur les plus faibles ( salariés et retraités ), et au moins d’obtenir des compensations ; on peut imaginer par exemple que, refusant de perdre leurs actifs, les fonds souverains exigeraient d’obtenir un rôle politique plus grand et même exigeraient le remplacement du dollar, affaibli, par une monnaie mondiale, comme le DTS, ce que les Chinois viennent d’ailleurs de demander.
Cela peut déraper en hyperinflation, si chacun réussit à se protéger par l’indexation contre l’inflation des revenus et des prix des autres. Là, on le sait, tout le monde sera perdant, les classes moyennes seront ruinées ; la démocratie n’y survivrait pas.
Pour éviter ce désastre, il faudra avoir le courage politique de déclencher l’inflation assez tôt pour qu’elle soit utile, et d’engager, quand l’inflation dépassera les 5% par an, un programme de stabilisation des prix, très rapide et brutal.
Dangereux pari, sans doute inévitable à terme. Il est urgent de l’étudier. Pour ne pas le laisser s’installer sans l’avoir décidé.