Naturellement, on pourrait en ce début d’année, et c’est notre tendance naturelle, faire la liste infinie des événements épouvantables dont on peut craindre l’avènement. Et celle, moins longue, de ceux qu’on peut espérer voir se réaliser.
Il est dans l’air du temps, en particulier dans l’Europe d’aujourd’hui, de faire d’abord la liste des catastrophes, personnelles et collectives. Moins pour s’y préparer et tenter de les éviter, que pour jouir, inconsciemment, de ces risques, qui menacent, pense-t-on, surtout les autres; et pour profiter au mieux, égoïstement, de cette situation de rescapés provisoires, ce que nous sommes tous, en fait, chacun à notre facon.
Faire la liste des événements positifs semble moins intéressants. Soit parce que, pour certains, on ne peut en rien aider à leur avènement et qu’on a alors le sentiment qu’en parler n’apporterait rien. Soit parce qu’on y peut quelque chose, et qu’on est immédiatement culpabilisé de ne pas tout faire pour les aider à se matérialiser. Car telle est la nature humaine: idéaliste et paresseuse, lucide et résignée. En particulier dans les vieux pays où nous sommes.
Ainsi, ce continent, l’Europe, aborde t-il, depuis deux décennies, chaque année nouvelle avec le délicieux et angoissant (délicieux parce qu’angoissant) sentiment de glisser sur la pente d’un déclin inévitable. Et c’est bien le cas: car le fait même de le vivre ainsi rend vraisemblable ce déclin, ce déclassement, pour soi comme pour les autres. Une fois de plus, l’idéologie précède et conditionne la matière.
Il est encore possible d’éviter ce destin, sans en passer, comme trop souvent en Europe, par des épisodes violents. Il faudrait pour cela que chacun accepte de mettre en œuvre dès aujourd’hui trois principes simples :
1. Avoir un projet personnel. Un projet ambitieux, et réaliste à la fois. Pour vouloir changer quelque chose dans sa vie, personnelle ou professionnelle. Cela peut être un projet de respect de soi (santé, forme, esthétique), de formation (professionnelle ou personnelle), de réalisation d’une aspiration. Cela peut être un projet purement égoïste. Cela conduira chacun de nous à réaliser que l’année qui commence est unique et que ce qu’on n’y accomplira pas ne le sera jamais. Cela conduira aussi à se fixer des objectifs précis, concrets, vérifiables. Et à vérifier honnêtement, à intervalles réguliers, la façon dont on les atteint.
2. Ne rien attendre de personne pour réaliser ce projet. Parce que l’indifférence des autres est le plus vraisemblable et qu’on doit tout faire pour ne pas avoir besoin d’eux, pour vivre comme si on n’avait rien à espérer de qui que ce soit. Ni de ses proches, ni de ses employeurs, ni d’un parti politique, ni d’un syndicat, ni d’un gouvernement. Rien. Radical changement, qui ne conduit à chercher de ressort à son destin qu’en soi même, en sachant que tout ce qui viendra du monde viendra en plus.
3. Trouver du plaisir à être utile aux autres, même sans rien n’attendre d’eux; au moins dans un cercle restreint, sinon plus largement. Cela passera par un comportement civiquement, éthiquement, écologiquement et socialement responsable. Et plus largement, par un engagement dans l’action publique; sans rien espérer en retour. Pour jouir du plaisir égoïste de faire plaisir.
Si nous osons être nombreux dans cet état d’esprit, sans attendre que les autres le soient pour l’être soi-même, alors, 2010 sera magnifique.