Depuis la révélation de l’existence d’un grand nombre de comptes cachés au Panama, on assiste à un débat d’une grande confusion. D’abord, on feint de découvrir que des richesses énormes échappent à l’impôt : on sait pourtant depuis longtemps que c’est le cas pour plus du tiers de la richesse produite mondialement chaque année et que ces ressources manquent cruellement partout, en particulier dans les pays les plus pauvres.
Ensuite, on feint de croire que seuls quelques lieux exotiques permettraient de dissimuler des fortunes au fisc, alors que bien des pays, parmi les plus respectés, en fournissent les moyens.
Enfin, parmi ceux qui les utilisent, on mélange trois sortes de personnes:
1. Des gens ayant commis des actes criminels et caché les revenus qu’ils en ont tirés dans un paradis fiscal. Ceux-là sont en situation inacceptable, au regard de la loi de leur propre pays.
2. Des gens ayant gagné honnêtement de l’argent, maisdécidé de le mettre à l’abri, soiten le dissimulant frauduleusement au fisc de leur pays, ce qui est illégal, soit en s’arrangeant légalement pour que ce revenu ne soit taxable que dans ce paradis fiscal, ce qui est moralement intolérable.
3. Enfin, d’autres, en toute légalité, et par souci de discrétion, ont choisi d’avoir un compte dans ce pays pour y déposer leur épargne, issue d’une activité légale, après avoir payé tous leurs impôts ailleurs et fait connaître au fisc de leur pays la localisation de leur patrimoine. A ceux-là, il n’y a rien à reprocher.
Il est clair aussi que Panama n’est pas le seul pays à offrir un tel havre de discrétion. Et encore moins à offrir des conditions fiscales avantageuses.
Il convient donc d’apporter des réponses différentes à ces divers cas de figure.
1. Les opérations criminelles doivent être démasquées et tout pays doit donc être tenu de faire connaître à tout autre (et pas seulement aux Etats-Unis, comme c’est le cas du Panama) les comptes d’un individu soupçonné d’activité illicite. Les États qui refusent, dits « non coopératifs », doivent être plus sévèrement sanctionnés qu’aujourd’hui et être exclus de la communauté internationale, jusqu’à perdre leur droit de vote aux Nations-Unies. Les criminels devraient même pouvoir être jugés hors de leur propre pays, un Tribunal Financier international ayant connaissance de leurs actes : en pillant les ressources des nations, ils ont autant de morts sur la conscience que ceux qu’on juge à La Haye pour crimes contre l’humanité.
2. Les pays offrant des avantages fiscaux démesurés en toute légalité doivent être combattus. C’est très difficile à imaginer quand on sait qu’au premier rang d’entre eux il y a plusieurs États des États-Unis, telle Delaware, et plusieurs pays européens, comme la Grande Bretagne ou le Luxembourg. J’attends avec gourmandise la publication, un jour, des « London Papers », qui dévoileront comment la si respectable City abrite bien des turpitudes financières et fiscales, au détriment des pays dans lesquelles les richesses sont créées. Ce sera infiniment plus important et signifiant que les quelques révélations de Panama.
3. Tout candidat à une élection, quelle qu’elle soit, doit présenter un quitus fiscal et déclarer sur l’honneur qu’il n’a pas placé son argent, ou celui d’une entreprise qu’il contrôle, en dehors du pays dont il est citoyen et où il sollicite les suffrages, dans le but d’échapper, même légalement, à l’impôt.
En politique, un acte immoral est aussi inacceptable qu’un acte criminel. Il serait temps de s’en souvenir.