William Gross, le patron du plus grand acheteur mondial d’obligations, Pimco, vient de déclencher une tempête en expliquant que, parmi les pays à fuir en raison de leur endettement excessif, le plus menacé est la Grande Bretagne, qui « se repose sur un lit de nitroglycérine ». De fait, il y a des raisons de s’inquiéter : la dette totale du pays est la plus élevée du monde avec celle du Japon ; et la seule dette publique y atteindra les 100% du PIB en 2014. L’économie britannique, entrée en récession au deuxième trimestre 2008, reste le seul pays du G7, à ne pas en être sorti, malgré la forte dévaluation de la livre, l’énormité des emprunts et la faiblesse des taux d’intérêt, au plus bas depuis plus de trois siècles. Le taux de croissance attendu pour 2010 sera au mieux de 1%. En conséquence, le chômage pourrait atteindre cette année les 10% bien que la Grande Bretagne soit avec l’Allemagne le seul pays développé où la productivité a baissé en 2009. Cette perte de dynamisme industriel se traduit aussi par la vente de fleurons de l’industrie britannique à l’étranger. Ainsi, Birmingham, capitale industrielle mythique, vient de perdre Cadbury, vendu à l’américain Kraft, après avoir perdu Rover ; Même les banques anglaises ne font plus partie du groupe des banques les plus stables et les moins risqués du monde et sont reléguées, selon l’agence de notation SP, en troisième catégorie. Enfin, après plus d’une décennie de gouvernement travailliste, les 10% les plus riches ont encore un patrimoine cent fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres, ce qui est le ratio le plus élevé depuis 40 ans.
De plus, tout le monde sait bien qu’après les élections, quel qu’en soit le résultat, un plan d’austérité sera mis en place. Même si tous les partis s’en défendent, plus ou moins adroitement, comme les conservateurs, qui se croyaient encore récemment assurés d’une victoire facile, et qui, voyant que, selon les plus récents sondages, le risque existe d’un résultat plus serré, font machine arrière. Et un plan d’austérité voudra dire évidemment moins de croissance, plus de chômage et des menaces sur le système public de santé et sur toutes les infrastructures publiques.
Plus encore peut être, c’est la confiance en elle-même de la Grande Bretagne qui est fondamentalement atteinte : Moins de la moitié de la population, de plus en plus communautarisée, estime que « British Is best » ; alors qu’il y a 15 ans, 63% des Anglais en étaient persuadés.
Pour autant, la Grande Bretagne a encore beaucoup d’atouts. Au moment où on entre dans une société de l’intelligence, elle reste la matrice de la langue des affaires et de l’innovation. Dans le classement de Shanghai, on trouve 4 universités anglaises parmi les 25 premières ; et la Grande Bretagne est encore le deuxième pays en matière de prix Nobel en sciences. La ville de Londres restera la ville globale par excellence, avec une concentration unique d’activités créatrices, d’innovations architecturales et artistiques et une multi culturalité presque unique au monde.
Il ne faut donc pas enterrer trop vite la Grande Bretagne. Comme elle l’a montré si souvent dans son histoire, elle pourrait réagir très rapidement, si ceux qui aspirent à la diriger réussissent à y recréer un sentiment d’urgence nationale ; C’est là le principal enjeu de la campagne qui commence. D’autres pays feraient bien, aussi, d’y penser.