Chaque pays, évidemment, regarde le monde du haut de son clocher. Et le paysage de France, en ce moment, vu de ce point de vue, n’est pas spécialement enthousiasmant.
On semble glisser, comme sur un toboggan, vers l’échec le plus retentissant : des ministres contestés, un gouvernement discrédité (en tout cas selon les sondages) une droite qui l’est autant, des partis extrémistes qui, de droite et de gauche, tiennent le même discours et se voient déjà vainqueurs des élections locales et européennes. Se pointe ensuite une impossibilité de gouverner ; puis viendra une tentation du dissoudre, qui pourrait faire l’affaire du président, si la droite revenue aux affaires ne réussissait pas mieux que la gauche, et pas mieux que dans les dix années précédentes.
Si le président se contentait de proposer des réponses liées aux affaires en cours, il ne satisferait jamais l’opinion : plus elle a mis de l’espoir dans une équipe, plus elle enrage de la voir échouer. Et aucune réforme éthique, aussi nécessaire soit-elle, ne suffira à calmer l’opinion.
Sans doute faudra-t-il assurer au plus vite une totale transparence du patrimoine et des revenus des candidats à la moindre fonction exécutive ou législative, nationale ou locale et donner beaucoup plus de moyens à la police fiscale pour le vérifier ; sans doute aussi faudra-t-il accélérer l’interdiction du cumul et revenir sur la calamiteuse réduction à cinq ans du mandat présidentiel, qui interdit toute action longue. Mais, à mon sens, rien de tel ne suffira à calmer l’opinion.
Si le pouvoir veut avoir encore une chance de traverser cette très mauvaise passe et, dans l’intérêt de la démocratie, de durer aussi longtemps que le mandat qui lui a été confié par les électeurs, il lui faut changer de pied, sortir de ses remugles, et mettre le pays face aux vrais enjeux du moment.
Et les vrais enjeux sont, aujourd’hui, européens : La solution du problème du chômage est européenne. Le moteur de la croissance est européen. C’est sur ce terrain qu’il faut oser.
Nous ne pouvons en rester à la situation actuelle, où le bricolage de l’Europe ne tient que par le bon vouloir conjoint de M. Draghi et de Madame Merckel, l’une et l’autre mettant une pression chaque jour plus forte sur les autres gouvernements, accélérant le chômage et la récession, limitant leur souveraineté, en les autorisant, ou en leur refusant, un niveau de déficit. Les crises grecques, espagnole, chypriote, aujourd’hui portugaise, demain italienne montrent ce qui nous attend si nous n’agissons pas très vite : un effondrement de nos institutions au profit des extrêmes. C’est là, bien plus que dans toute autre cause, qu’il faut chercher la vraie raison d’être du mal-être français d’aujourd’hui.
La France doit donc proposer une sortie par le haut. Cela donnera du sens à la politique, au-delà des mesquineries actuelles. Ou nous prenons acte de l’échec de cette Europe-là, et, espérant échapper à la réalité par un grand geste de manche, nous sortons de l’euro, entrant consciemment dans un irréversible déclin. Ou nous osons avancer dans la voie d’une plus grande intégration franco-allemande, et vers un pouvoir fédéral, pour nous donner des marges de manœuvre et organiser la croissance et le retour de l’emploi. Et en particulier, pour mettre en commun les moyens de contrôle de l’exemplarité des élus.
Naturellement, rien de tel ne peut être décidé avant les élections allemandes. Mais, pour les orienter, pour avancer dans la bonne direction, pour sortir par le haut, il appartient à la France de proposer ce mouvement. Maintenant.