L’Allemagne semble, en Europe, prendre le pouvoir ; et personne ne peut le lui reprocher : elle fait ce qu’elle doit, dans son intérêt. Quatre informations, cette semaine, le confirment :
- La Chine devient son premier partenaire commercial, devant la France ; 5 000 entreprises allemandes y sont déjà présentes, contre moins de 900 françaises.
- Les douze premières entreprises allemandes, parmi lesquelles les géants de la chimie, de l’automobile, de la sidérurgie et de l’électronique, se sont regroupées dans une entreprise nommée « Alliance » pour se donner les moyens de contrôler l’accès aux matières premières les plus précieuses, et en particulier les terres rares, si essentielles à l’industrie de demain. On les trouve en particulier en Chine, en Mongolie, au Japon, et dans quelques pays d’Afrique et d’Amérique Latine.
- Le ministre des finances allemand a convoqué, pour la deuxième fois en trois semaines, à Berlin les ministres de quelques pays européens, sans la France, pour discuter de la crise de l’euro et a invité quelques jours plus tard le ministre des finances français pour lui en donner le résultat.
- Enfin, le président de la plus grande banque allemande vient de déclarer que sa banque n’aura sans doute pas besoin du soutien que la Banque Centrale apportera de nouveau à la fin de février à toutes les banques européennes.
Ainsi, l’Allemagne, pour la première fois dans la courte période démocratique de son Histoire, se trouve en situation de dominer l’Europe. On ne peut le lui reprocher. La France, affaiblie par son économie en ruine, par la perte de sa notation et par l’incertitude électorale, ne peut s’en prendre qu’à elle-même d’être ainsi écartée de la conduite des affaires européennes. Les institutions communautaires, trop faibles et bureaucratiques, n’ont pas su prendre le relais.
On en voit déjà les conséquences : sur tous les terrains, les Européens sont absents. Ils viennent, même, dans le silence le plus absolu des dirigeants politiques du pays de se faire imposer la mise en place d’un bouclier antimissiles entièrement sous contrôle américain, et dont le poste de commandement sera justement en Allemagne ; par sa nature même, il vise à détruire la crédibilité de la force de frappe ennemie et, par symétrie, celle de la force de frappe française, victime collatérale recherchée depuis longtemps. Au même moment encore, la conférence stratégique de Munich n’a révélé aucune volonté d’avancer vers une Europe de la défense.
Une Europe allemande, c’est donc inévitablement une Europe américaine, parce que dépendante des Etats-Unis pour sa politique étrangère et sa sécurité. A terme, évidemment, l’Allemagne en serait aussi victime, en raison de ses problèmes propres, démographiques et financiers.
Un des premiers enjeux de la campagne présidentielle est donc de savoir s’il faut et comment restaurer la relation franco-allemande. Sans pour autant la politiser : elle doit exister qui que ce soit qui soit aux affaires en France et en Allemagne. Et Nicolas Sarkozy a tort de laisser entendre que la Chancelière d’Allemagne ne pourrait pas coopérer avec un autre que lui. D’abord parce que c’est sous son mandat que la relation s’est dégradée au point de voir l’Allemagne nous contourner. Ensuite parce que l’Histoire nous apprend que les dirigeants français et allemands, quels qu’ils soient, ont leurs destins liés. Enfin parce que les Français n’aimeront pas qu’on choisisse leur président à leur place.