La France, comme tant d’autres, est désormais présente sur bien des champs de bataille: au Mali, en Syrie, en Irak… Nous combattîmes aussi, récemment, en Afghanistan et en Libye – avec des succès divers. Pourquoi là et pas ailleurs? Pourquoi intervenons-nous contre certaines dictatures et pas contre d’autres ? Pourquoi tolérons-nous des génocides dans certains pays et pas dans d’autres? Pourquoi, en France, de telles décisions se prennent-elles sans l’accord du Parlement ?
Aujourd’hui, alors que partout la guerre menace, cette question devient d’une importance plus considérable encore. Dans bien des endroits du monde, des incidents, des escarmouches, des guerres civiles ou des actes isolés peuvent déraper dans des conflits épouvantables. Et les nations sont si interdépendantes que presque aucun de ces conflits, où qu’il se déroule, serait sans conséquence sur la sécurité et la tranquillité de la France et des Français. On ne peut donc continuer à laisser de tels choix se faire d’une façon aussi arbitraire. Il est temps d’établir une doctrine et de la faire connaître ; de savoir, et de faire savoir, dans quelles conditions la France peut faire usage de ses armes. En particulier, il est temps d’en débattre au Parlement.
On pourrait retenir les quatre principes suivants :
1. D’abord, la France est évidemment tenue d’intervenir militairement partout où ses alliances l’y contraignent. Ce n’est pas rien, car nous pourrions être ainsi amenés, demain, par des décisions inconsidérées de nos alliés, à entrer dans une guerre pouvant devenir nucléaire. Par exemple, nous pourrions être entraînés dans une guerre contre la Russie si nos alliés baltes ou polonais étaient victimes d’une agression ; ou même si cette agression était la conséquence d’une provocation d’un officier irresponsable d’un de ces pays ou de troupes américaines, présentes désormais à la frontière russe ; or certains de ces gens-là rêvent d’en découdre. De la même façon, les Américains pourraient être emportés dans une guerre contre la Chine ou la Corée du Nord si le Japon, leur allié, était attaqué. Ou si une provocation devait avoir lieu. Et nous pourrions nous y trouver entraînés avec eux. Il est donc temps de clarifier avec nos partenaires les conditions de notre engagement à leurs côtés, et en particulier leur faire savoir que nous nous abstiendrions d’intervenir si une guerre commençait par un incident local incontrôlé ou provoqué par l’un de nos alliés.
2. Ensuite, la France doit pouvoir agir, même seule, partout où des intérêts ou des citoyens français sont agressés ou menacés. C’est ce qu’elle a fait au Mali, à juste titre, parce que l’avancée islamiste mettait en danger la survie même de l’ordre démocratique dans l’espace francophone. Cela peut être nécessaire ailleurs pour les mêmes raisons, ou pour d’autres.
3. Ensuite encore, la France doit être présente, même seule, chaque fois que sauver des vies est à sa portée. Ainsi, il est scandaleux que notre marine nationale, comme celle des autres démocraties et en particulier la 6e flotte américaine, s’efforce de ne pas voir les réfugiés se noyer en pleine Méditerranée (Où sont les bateaux américains ? Où se cachent ils ? Quelles consignes ont-ils reçues ?). De même, il aurait été légitime d’intervenir plus vite lors du génocide rwandais, comme il le fut de ne pas assister en témoin passif aux massacres dans l’ex-Yougoslavie. Mais une telle logique d’intervention ne doit pas mener à détruire l’Etat dans les pays où de telles menaces existent, comme le démontre la situation en Libye où, sous prétexte de sauver des vies, on a annihilé la structure du pouvoir central et livré un immense arsenal à tous les terroristes du monde.
4. Enfin, la France doit intervenir, avec ses alliés, chaque fois qu’un Etat, un quasi-Etat ou un non-Etat, devient agressif contre ses voisins ou contre le reste de la planète. Selon ce critère, I’ll est légitime d’aller combattre les forces du terrorisme international, où qu’elles se cachent. Mais il n’était pas légitime d’aller renverser le régime irakien de Saddam Hussein, qui ne menaçait plus personne et ne disposait d’aucune arme de destruction massive.
Tout cela mérite, d’urgence, un grand débat dans l’opinion, au Parlement, et lors de la prochaine campagne présidentielle. Ce sera l’occasion de prendre conscience que le budget de notre Défense nationale est très en dessous de ce qu’il devrait être. Et d’en tirer les conséquences.