Encore un effort !
Comme toujours, après un choc, on réagit ; et la France a réagi. Magnifiquement. Émotionnellement, socialement, politiquement. Elle a manifesté. Elle a commémoré. Elle a décidé, avec raison, d’être plus ferme encore face au terrorisme ; de se donner plus de moyens en termes de sécurité, de surveillance, et d’enseignement de la laïcité. Mais on est très loin encore de tout ce qui doit être fait.
L’essentiel, même, reste à faire : Il faut pour le réaliser de comprendre que la violence découle très largement des frustrations et des incompréhensions qui bloquent l’intégration et non pas d’ un soit disant refus d’intégration de certains de nos concitoyens aux valeurs de la société française. La modernité est le désir de tous, et les Français, les jeunes en particulier, ne cherchent autre chose que quand elle ne leur est pas proposée.
Alors quoi sert-il d’être ferme contre les délinquants si 50% des jeunes des quartiers n’ont pas d’autres débouchés que les trafics ? A quoi sert-il d’enseigner la laïcité si elle ne fournit aucune réponse aux besoins de chacun de se réaliser et si elle n’apparait trop souvent aux laissés pour compte du savoir et du succès que comme l’idéologie du vainqueur imposée au vaincu ?
Et le pays doit comprendre que l’essentiel réside dans la lutte contre la ségrégation dont souffrent tous les plus faibles : Au moment où le pays semble basculer à droite, la réponse est à gauche.
Trois chantiers oubliés, dont je parle ici et ailleurs depuis des années, sont, en plus de la fermeté policière, maintenant clairement prioritaires.
• La politique de la ville : regrouper les communes, installer les mairies des communes regroupées dans les quartiers les plus difficiles supprimer les départements, réorienter les moyens des uns et des autres, et ceux de Pôle emploi vers l’animation des quartiers et l’incitation à la création d’entreprises par les chômeurs.
• L’orientation à l’école : enseigner en priorité à tous à lire, écrire parfaitement le français ; cesser de renvoyer systématiquement les enfants des quartiers vers les lycées techniques et les filières courtes ; pour cela totalement repenser l’orientation, et d’abord revaloriser le métier de l’orientation, aujourd’hui confié pour l’essentiel à des gens qui n’ont pas été formés pour cela et qui n’ont pas l’obsession de favoriser la mobilité sociale, comme ils devraient l’avoir. Cela passe aussi, comme je le répète depuis si longtemps, par des relations plus étroites entre parents et maitres et le développement d’internats, partout dans le pays, en particulier pour les enfants dont les parents n’ont pas les moyens de leur fournir l’espace et la tranquillité nécessaire pour étudier. En particulier pour les jeunes filles, victimes principales de tout cela.
• La formation permanente : rattraper après l’école ceux que l’école n’a pas su retenir ; ils sont sans doute aujourd’hui plus de 3 millions et forment l’essentiel des chômeurs de longue durée. Et pour cela, réorienter la formation permanente vers les chômeurs ; et donc, d’urgence, remettre en question la loi qui vient d’entrer en vigueur et qui ne consacre aux demandeurs d’emplois que 3% des sommes disponibles.
Qu’on ne dise pas qu’on n’a pas d’argent pour tout cela : on gaspille plus de 40 milliards dans l’aide au logement, plus de 30 milliards dans la formation permanente, et plus encore dans les doublons administratifs. Il y a là largement assez pour lancer tous ces projets, qui seront, accessoirement, des facteurs de croissance pour le pays.
De fait, ces trois chantiers forment un tout : si, en France, on a si bien réussi notre politique démographique, c’est parce qu’on suit l’enfant depuis bien avant sa naissance jusqu’à son entrée à l’école. Il faut réussir aussi bien notre politique démocratique, c’est-à-dire avoir en tout l’obsession de la justice sociale, et donc de la mobilité sociale. C’est un formidable projet de société. Nous pouvons le réussir. Nous le devons ; au moins en souvenir de ceux qui ont payé de leur vie nos négligences, en matière de sécurité comme d’intégration.