La mort, pourtant annoncée depuis longtemps, de Nelson Mandela, a déclenché sur toute la planète d’énormes manifestations d’émotion, inégalées depuis longtemps.
Chacun reconnaît l’évidence qu’ un grand homme vient de disparaître. Grand par son combat et par la façon non violente dont il l’a mené.
Cette émotion se double pour moi du sentiment diffus et incertain qu’il était sans doute le dernier » grand homme » encore vivant.
Cette remarque peut surprendre ou choquer: le monde ne manque pas de sujets d’indignation et de révoltes exigeant des meneurs d’hommes: La pauvreté, la pollution, la faim, la soif, la drogue, la violation des droits de l’homme, les trafics d’êtres humains appellent bien des combats, Et, dans une société de spectacle, tout combat devrait s’incarner .
Et pourtant, il est difficile de nommer qui que ce soit vivant aujourd’hui, où que ce soit dans le monde, agissant sur la scène politique, dont la mort entraînera la même émotion planétaire que celle de Nelson Mandela. A moins évidemment d’une mort prématurée et tragique d’un leader, suscitant une émotion plus liée aux circonstances de sa disparition qu’a sa disparition elle même.
De fait, personne n’incarne aujourd’hui de façon aussi claire que l’a fait Mandela le combat du bien contre le mal..
Ansansu Ki, peut être? Ou encore l’actuel pape? Je ne le crois même pas.
On peut s’en réjouir: bien de dirigeants qualifiés de » grands hommes » ont fini leur vie en tyran.
On peut le regretter: on aime avoir a admirer d’illustres exemples
On peut chercher a cette disparition plusieurs raisons:
Une première, a laquelle je ne crois pas: il n’y aurait pas en ce moment de grande tragédie exigeant de grands hommes, pour mener de grands combats. Ces grands combats, existent évidemment
La deuxième, plus crédible : quand ces combats existent, ils sont menés par des réseaux sociaux, ( comme on l’a vu en Tunisie, en Égypte, en Syrie, en Iran) et par des organisations, associations installées ou provisoires , aujourd’hui bien plus puissantes que ceux qui les ont fondées ou les dirigent.
Une troisième raison plus crédible encore: dans le flot d’images et d’informations qui nous submerge, aucune figure ne peut s’imposer durablement . Aucun combat ne pourrait plus s’incarner dans la durée. Toute bataille est fragmentée, renationalisée…
Une quatrième raison, encore plus profonde : pour mener un tel combat par la non violence, il faut penser que ses adversaires sont accessibles au remords, comme mandela a eu raison de le penser pour le président de Clerck. Aujourd’hui, malheureusement, les ennemis du bien, qu’ils soient politiques, économiques ou militaires, sont tous cyniques, monstrueux inaccessibles a la pitié.
D’une certaine façon, ce que le monde pleure aussi aujourd’hui, c’est donc a la fois la disparition, provisoire peut être, du concept même de grand homme, et la victoire, peut être aussi provisoire, de l’inhumanité .