Chaque président français, depuis le général de Gaulle, définit par un discours sa politique africaine. Et cette politique a toujours hésité entre deux extrêmes : couvrir tous les régimes, pour protéger nos interets économiques ; Ou défendre les droits de l’homme pour protéger la cohérence de notre politique étrangère.
A chaque fois, après quelques beaux discours, les présidents se sont résignés à la première stratégie.
Jamais, jusqu’à aujourd’hui, on a compris à quel point il était urgent, essentiel, de regarder l’Afrique sous un troisième angle : comment faire en sorte qu’elle ne devienne pas un enfer pour les générations à venir ? Cette question rejoint en fait les deux autres : si l’Afrique est un enfer, (économique, climatique et politique), la France n’y trouvera aucun débouché économique ; elle ne pourra pas y défendre la démocratie, ni maintenir une politique étrangère fondée sur le respect des textes internationaux qu’elle a signé.
Et ceci n’est pas valable que pour la France. C’est le même dilemme pour toutes les puissances occidentales, et d’abord européennes.
En clair, si l’Afrique ne se développe pas très vite, beaucoup plus vite qu’au rythme actuel, le pire est vraisemblable. Des centaines de millions de gens quitteront le continent et il sera impossible de les y renvoyer.
Bien sûr, l’Afrique a tout pour réussir ; et on peut multiplier les exemples de ses succès. On peut nommer les pays qui sont en train d’y réussir, les démocraties qui sont en train de s’y consolider, les classes moyennes qui commencent à y exiger de disposer de droits économiques, sociaux et politiques, les entreprises de taille mondiale, qui sont en train d’y naitre.
Mais il ne faut pas se voiler la face. Le pire existe déjà aussi , dans bien des régions du continent : C’est en Afrique, à nos portes, que se sont reconstitués des marchés aux esclaves ; que certains pays imposent à leur jeunesse des services militaires à vie ( oui, à vie !) ; que le niveau de vie s’effondre en raison de la natalité ; que les femmes sont systématiquement violées ; que les enfants sont mis au travail à cinq ans dans des mines ; que des dictateurs torturent, massacrent, pillent sans aucun contrepouvoir ; que le climat devient encore plus invivable qu’ailleurs. Et des trafics d’hommes, de femmes, d’enfants, d’armes, de drogues, parcourt ce continent de long en large, pour pourvoir, en bout de chaine, à nos besoins et nos désirs.
Pourra-t-on longtemps croire que les Africains ne quitteront pas bientôt ce continent par dizaines de millions, si rien ne change ? Pourra- t-on longtemps croire qu’on pourra s’opposer à la venue chez nous de ceux qui fuiront cet enfer ?? Pourra-t-on longtemps croire qu’on pourra décemment les y renvoyer ?
Notre intérêt, autant que le leur, c’est que tout soit fait pour que les Africains vivent dans un état de droit stable et qu’ils aient l’espoir que demain soit , chez eux, meilleur qu’aujourd’hui.
Pour cela, nous devrons consacrer beaucoup plus de moyens au développement de ce continent, dans notre intérêt ; en cessant de donner de l’argent aux gouvernements, qui sont tous, d’une façon ou d’une autre, touchés par la corruption ; en passant par des associations, des entrepreneurs, des mouvements de femmes, des coopérative ; en leur donnant les moyens de défendre les droits des femmes et des enfants à la santé, à l’éduction, et au respect ; et en les aidant à rendre conciliable croissance et économie d’énergie, en particulier d’énergie décarbonée : il est criminel de vendre à l’Afrique des centrales à charbon et des véhicules diesel.
Cela ne suppose pas de s’ingérer dans les affaires politiques de ces pays (L’exemple de la Lybie a montré combien il était périlleux de croire pouvoir imposer un état de droit dans un pays) mais d’ignorer leurs gouvernements, autant qu’il est possible, pour parler à leurs peuples, et les aider à se prendre en main ; en soutenant, en particulier, les magnifiques jeunesses, qui n’y demandent qu’à servir leurs pays.