La mode aujourd’hui est de vouloir ranger chacun d’entre nous dans un camp. Et de nous forcer à détester, à nier l’autre.
Par exemple, il nous faut choisir entre la défense de l’identité française ou celle de la construction européenne ; entre soutenir la Russie ou l’Ukraine ; les Etats Unis ou pour les pays du Sud ; Israël ou la Palestine ; la réduction des émissions du gaz à effet de serre ou la négation du changement climatique ; le respect des droits des femmes ou de ceux des hommes. Et si l’on est pour l’un, on se doit nécessairement d’être contre l’autre.
La folie de cette radicalité va jusqu’à pousser certains (on le lit tous jours dans les journaux et sur les réseaux sociaux) à nous intimer de choisir entre se placer au côté des musulmans et être catégorisé comme antisémite ou antisioniste (ce qui aujourd’hui revient au même, pour des gens de mauvaise foi), ou se placer du côté des juifs et être catégorisé comme antipalestinien ou islamophobe (ce qui aujourd’hui se confond dans des esprits troublés).
C’est dans ce piège terrible et absurde du manichéisme que veulent nous entraîner les extrêmes : Leur intention est de discréditer toute pensée qui ne serait pas univoque, entière, totalitaire négatrice de toute autre. Et d’écarter ainsi du pouvoir, (en les dénonçant comme « inhumain « ou « génocidaire » ou « mondialiste » ou « néolibéral » ou « complotiste » ou en employant tout autre anathème) tous ceux qui ne partageraient pas leur vision du monde, nécessairement juste, nécessairement la seule vraie. Pour ne rester qu’en opposition frontale avec un autre extrême ; persuadé que seuls les extrêmes devraient avoir voix au chapitre. Et que la bataille ultime pour le pouvoir ne se jouera qu’entre eux. En France en particulier, c’est la stratégie du RN et de LFI, pour discréditer les sociaux-démocrates (des « traitres « s’ils ne sont pas ralliés au programme extrémiste imposé par LFI et les partis du centre droit (des « mous » s’ils ne sont pas ralliés au programme extrémiste du RN).
Dans la réalité, cette opposition absolue n’a pas de sens. Il n’est pas nécessaire de haïr ceux qui ne pensent pas comme nous. Même quand on se trouve confronté à un cas extrême : Ainsi, pendant la Seconde guerre mondiale, il fallait combattre, évidemment, Adolphe Hitler et ses acolytes ; mais pas pour autant vouloir annihiler la culture allemande, ni la nation allemande, et encore moins retirer aux Allemands le droit d’avoir un pays. Cette question fut d’ailleurs magnifiquement discutée par Vercors, Camus et tant d’autres à ce moment.
Il en va de même aujourd’hui : On peut détester le capitalisme comme il va, sans pour autant faire l’apologie du Venezuela. On peut s’inquiéter du manque d’intégration de certains immigrés sans vouloir tous les chasser. On peut souhaiter qu’Israël survive, dans des frontières sures et reconnues, comme un Etat démocratique et pacifique et vouloir tout aussi ardemment qu’existe aussi tout à côté, une Palestine, tout aussi démocratique et pacifique. On peut considérer Netanyahou comme un dangereux criminel de guerre, nuisible à son peuple, et dont la vraie place serait en prison, sans nier le droit d’Israël à exister ; on peut dénoncer le Hamas et le Hezbollah comme des groupes terroristes, et l’Autorité palestinienne comme un repère de corrompus, sans pour autant renoncer à la naissance d’un Etat Palestinien démocratique. On peut être pour une Ukraine démocratique et indépendante, tout en reconnaissant qu’il y existe aujourd’hui beaucoup de corruption. On peut dénoncer la dictature de Vladimir Poutine sans pour autant vouloir découper la Russie en morceaux, comme le souhaitent ses pires adversaires. De même, on peut se battre à la fois pour une Union Européenne forte et souveraine, dotée d’une armée et d’une politique industrielle intégrée, et tout faire pour que la France retrouve son identité, sa puissance, son autonomie et son originalité, en particulier en construisant une union des pays francophones. De même encore, on peut tout faire pour réduire les émissions de gaz effet de serre, tout en admettant qu’elles ne sont pas les seules responsables des dérèglements climatiques. Enfin, rien n’empêche de rêver d’une cohabitation harmonieuse et mutuellement bénéfique, des genres et des communautés.
Ne vous laissez pas enfermer dans le poison du manichéisme. Ne vous laissez pas aller à la facilité de l’exclusion. La vie des uns ne suppose pas la mort des autres. Au contraire : la vie des uns dépend de celle des autres. C’est dans le respect par chacun des gens appartenant à d’autres genres, d’autres communautés, d’autres générations, passées et futures, d’autres espèces animales et végétales, que se trouve la solution aux problèmes du monde.
Crédits : Naza/GSFC/Arizona State University