Les peuples le disent de plus en plus clairement chaque jour : ils veulent se débarrasser de leurs classes dirigeantes.
Ils estiment que ces gens là ont failli, ne servent pas l’intérêt général. Les peuples exigent que des dirigeants nouveaux leur donnent du travail, recréent un sens du commun, et restaurent leur croyance en un idéal national.
Même si c’est au prix de la remise en cause de droits de l’homme chèrement conquis, d’accords internationaux essentiels, et de l’abandon de toute générosité à l’égard de souffrances étrangères.
On a connu cela au moins deux fois dans l’histoire récente : à la fin du 18eme siècle, et au début du 20eme siècle.
Dans les deux cas, le remplacement des classes dirigeantes et la restauration de l’idéal national sont passés par des chocs très brutaux : des révolutions, des massacres, des dictatures, des guerres ; faisant chaque fois plus de morts, touchant chaque fois une part plus grande de l’humanité.
Dans les deux cas, à la sortie d’une période terrible, de 30 ans chaque fois, le monde s’est à peu près stabilisé, avec un nouveau modèle de développement, plus ouvert et plus démocratique, dont la théorie et la pratique étaient nées à l’intérieur-même des dictatures, pendant la période la plus sombre.
De fait, chaque fois, pendant ces décennies épouvantables, sont apparus, d’abord sous forme de caricatures, ce qui allait former ensuite les bases du modèle ultérieur de société. C’est à ce moment en effet que se façonnait, par ceux qui collaboraient avec les tyrans et par ceux qui résistaient contre eux, une nouvelle utopie du monde.
Ainsi, par exemple, le modèle de la social-démocratie (un état fort, des investissements publics, une politique familiale) qui structure l’occident depuis la fin de la seconde guerre mondiale, a commencé par sa caricature dans l’Italie de Mussolini.
Puis par sa version totalitaire dans la Russie de Lenine avec la NEP, puis dans l’Allemagne de Hitler. Seulement après, ce modèle s’est installé en démocratie, avec Roosevelt aux États-Unis, puis en Grande-Bretagne, en France et ailleurs.
Aux Etats-Unis aujourd’hui, les élites financières, entrepreneuriales et politiques, balayées par un menteur cynique, ne peuvent s’en prendre qu’à elles-mêmes : en ne faisant rien pendant des décennies pour repartir plus justement les revenus entre les classes sociales et entre les régions, en laissant les deux grands partis entre les mains de mafias obscures, qui ont barré la route aux meilleurs des candidats, dont Bernie Sanders, ces soit disant élites se sont condamnées elles memes.
Le modèle qui vient, d’abord aux États-Unis, sera aussi fait de fermeture des frontières, d’investissement publics en infrastructures, de réduction massive des impôts.
Ce modèle n’est pas sans intérêt : s’il est conduit raisonnablement, il pourrait faire repartir la croissance américaine. Et les Européens devraient s’en inspirer, en relevant leurs propres droits de douane communs et en lançant de grands programmes d’infrastructures. Ils pourrait aussi être poussés, en étant ainsi abandonnés à leur sort, à se doter enfin d’une défense commune et à s’entendre avec leur grand voisin européen de l’est.
Mais ce modèle ne suffira pas, comme il n’a pas suffit aux dictateurs du siècle précédent, à établir une société durable. Et ils ont du chercher leur salut dans un expansionnisme territorial qui les a perdus.
Ce modèle ne peut réussir en effet durablement que dans une société ouverte, altruiste, acceptant le nouveau.
D’une certaine façon, Trump, c’est Mussolini.
A nous d’aller directement, en Europe, vers un nouveau Roosevelt en nous épargnant les Lenine et les Hitler en devenir.