Peut-on encore espérer, à quelques jours des élections présidentielles, entendre les candidats aux élections présidentielles s’exprimer sur des sujets sérieux, de la compétence du prochain président ? On peut en douter, quand on voit la façon dont ils éludent jusqu’ici tout problème de politique étrangère, qui occupera pourtant plus de la moitié du temps de celui qui sera élu, et la complaisance avec laquelle ils s’étendent sur les problèmes de sécurité ou de fiscalité, qui sont évidemment de compétence gouvernementale et parlementaire, et dont les partis auront tout le temps de débattre pendant la campagne qui suivra pour les élections législatives.
Dans les cinq prochaines années, le monde sera évidemment très dangereux, et nous avons besoin de savoir ce que fera le prochain Président face à ces défis, dont, faute de réponses des candidats, on peut au moins faire la liste.
D’abord, en Europe, on ne pourra pas faire, dans les cinq ans à venir, l’économie de la question fédérale. Plus précisément, l’euro ne pourra pas continuer d’exister sous sa forme actuelle sans une politique de croissance, qui n’est à la portée que d’un ensemble fédéral européen, se dotant des ressources fiscales pour la financer. Là-dessus, on n’a presque pas entendu s’exprimer les candidats. Par exemple, si ensemble fédéral il y a, concernera-t-il les 27 ? Ou seulement les membres de l’eurozone ? ou un autre ensemble ? Et s’il n y a pas d’ensemble fédéral, comment résistera-t-on à la divergence croissante des économies partageant la même monnaie ? Est on prêt à y mettre fin ?
En Europe encore, faudra-t-il étendre l’Union au-delà de la candidature croate actuelle ? A qui ? A tous les pays de l’ex-Yougoslavie ? La Moldavie ? L’Ukraine ? La Géorgie ? L’Arménie ? La Turquie ? Toutes ses questions seront posées avant 2017. Il serait bon de connaitre l’avis des candidats.
En matière de défense, aussi, bien des questions seront à traiter : faut-il se doter de nouveaux sous marins nucléaires ? De drônes ? Faut-il approfondir l’intégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN ? Faut-il en conséquence rejoindre le projet de bouclier antimissile, et donc envoyer à la casse nos sous-marins nucléaires ? ou bien faut-il se tenir à l’écart de ce projet ? Quelles missions faut-il confier à l’OTAN, après son retrait, en 2012 ou 2013, de l’Afghanistan ? Faudra-t-il l’impliquer dans les problèmes de l’Asie ? de la Méditerranée ? Du Moyen Orient ? du Maghreb ? Du Mali ? Sinon, que faut-il faire pour la sécurité et la stabilité de l’Afrique ? Tout, au risque de paraître une puissance néocoloniale ? Ou rien, au risque de sembler bénir une remise en cause des frontières dessinées par la conférence de Berlin en 1885 ? Que faire enfin face au terrorisme islamique ? Et face à son alliance avec les trafiquants de drogue ?
Par ailleurs, que faut-il faire face à la Russie ? S’opposer fortement à ses dérives antidémocratiques ou la prendre comme elle est, pour en faire un partenaire de la stabilité en Europe ? Et en ce qui concerne la Chine, faut-il emboiter le pas des Américains, qui y voient leur principal ennemi des décennies à venir, ou au contraire se donner les moyens d’en faire une alliée responsable et équilibrée ?
Enfin, la France doit-elle se mêler de tous ces problèmes ou doit-elle se résigner à n’être qu’une puissance moyenne, sans moyens d’agir sur les grands enjeux du monde ?
Sur tout cela, dès le lendemain de son élection, le prochain Président aura à se prononcer : il est attendu le 18 et 19 mai 2012 à la réunion au sommet du G8 à Camp David, puis le 20 et 21 mai suivants au sommet de l’OTAN à Chicago. Il devra prendre des positions sur chacun de ces points. Ne serait-il pas raisonnable qu’il en ait informé à l’avance les électeurs ?