L’économie du monde semble aujourd’hui incompréhensible : alors que tous les facteurs classiques de la croissance sont réunis (la population mondiale augmente, le progrès technique est gigantesque, l’épargne disponible est considérable, la liberté des échanges plus grande que jamais), la croissance ralentit partout, sauf aux États-Unis pour le moment. Et partout, même aux États-Unis, le chômage réel atteint des records, les investissements s’essoufflent, les inégalités, surtout aux États-Unis, sont plus grandes que jamais. Et la récente publication de la valeur extrêmement basse du Baltic Dry Index, (indice qui mesure le volume du transport en fret des matières premières, et qui annonce depuis longtemps l’imminence des crises) a confirmé la tendance à la dépression et semé la panique dans le petit milieu des traders.
Face à cette situation, aucune action classique ne semble fonctionner : les taux d’intérêts sont au plus bas ; les banques centrales déversent des sommes infinies dans le système bancaire ; les gouvernements font des déficits record. Rien n’y fait. Rien ne démarre. Tout ralentit. Même les prix.
De quoi souffre le monde ? Comment expliquer que ses formidables potentialités ne sont pas mises en mouvement ? Les économistes, les sociologiques, les politologues du monde en débattent à l’infini sans qu’aucune réponse convaincante ne s’impose. Et sans que personne ne propose une nouvelle solution crédible.
Il est pourtant urgent de comprendre et de trouver une façon d’agir. Sinon, l’économie mondiale va plonger dans une dépression globale aux conséquences politiques ravageuses : on verra, on voit déjà, des partis extrêmes prendre le pouvoir et la démocratie être remise en cause, par des gens qui justement prétendent parler en son nom.
La réponse, pour moi, crève les yeux, même si peu de gens veulent l’admettre : L’économie mondiale est désormais une économie unique. Et on ne peut la comprendre en juxtaposant les analyses des économies nationales et de leurs échanges. Il faut penser le monde comme une économie unique ; comme un pays. Mais un pays sans règle de droit ni État régulateur.
Et une telle économie, qui n’a jamais existé dans le réel jusqu’aujourd’hui, ne peut, selon toutes les théories existantes, que conduire à un sous-emploi des facteurs de production, c’est-à-dire à une insuffisance de la demande. Et aucun État régulateur n’est là pour la compenser. Autrement dit, le monde souffre de ne pas disposer d’outil capable de créer une demande à l’échelle mondiale.
La solution idéale serait donc de créer une Banque Centrale mondiale, avec une gouvernance démocratique, avec une monnaie mondiale, capable de déverser des ressources massives sur le monde. Sous forme de monnaie, ou sous forme d’investissements dans les secteurs de l’économie durable.
La solution médiane serait de demander aux gouvernements du G20 de se mettre d’accord pour relancer massivement des investissements publics, par des emprunts massifs, forcés si nécessaires, auprès des grands détenteurs de capitaux.
La solution la plus conforme aux intérêts des jeunes et des salariés serait d’augmenter massivement tous les salaires du monde, et d’accepter l’inflation. La plus conforme aux intérêts des détenteurs des capitaux et des séniors seraient de faire monter massivement les Bourses pour créer de la demande par revalorisation des patrimoines.
Rien de tout cela n’aura lieu, évidemment. Donc, le plus vraisemblable est que chacun voudra continuer à le faire dans son coin, quitte à s’isoler des autres. Mais quiconque créera une demande seulement chez lui, en augmentant massivement les salaires ou les dépenses publiques, deviendra rapidement dépendant de ses importations, sa monnaie s’effondrera. Les États-Unis peuvent le vouloir, comme, à l’autre bout du spectre, les Grecs. Cela les conduira au protectionnisme, à la fragmentation, à la guerre.
Il est à la mode de dire qu’il faut penser le monde comme un, à propos du climat et de réussir la conférence qui en traitera. Pourtant, s’il est une conférence mondiale urgente, c’est plutôt celle qui réformerait le FMI pour le rendre plus démocratique et lui donner tous ces pouvoirs. Car si le monde n’agit pas rapidement sur l’économie, le problème de l’émission de gaz à effet de serre sera bientôt réglé de la façon la plus simple : personne n’en produira plus.