Les partis d’extrême gauche et d’extrême droite font tout pour apparaitre distincts ; et leurs différences sont évidemment majeures, sur un point au moins : leur attitude à l’égard de l’immigration. Pour autant, ils ont de plus en plus de points communs tant dans la forme que sur le fonds.
Dans la forme, parce que leurs noms ne sont pas innocemment voisins : Front National. Front de Gauche. Ensuite parce qu’ils se veulent l’un et l’autre des partis de gouvernement. Et font tout pour être respectables et respectés. Marine Le Pen crie à qui veut l’entendre qu’elle sera le prochain président de la République et Jean Luc Mélenchon qu’il sera le prochain premier ministre. Dans la forme aussi, parce qu’ils ne se privent pas, ni l’un ni l’autre, de dérapages verbaux, pour faire valoir leurs différences à l’égard des partis de gouvernements ou de ce qu’ils appellent « l’establishment » ou les « notables », qui regroupent, pour l’un comme pour l’autre, les partis ayant jusqu’ici gouvernés, les hauts fonctionnaires, les chefs d’entreprises et la plupart des intellectuels.
Sur le fonds, plus encore, parce que , quoi qu’ils disent, et que soit l’éventuelle sincérité de leurs convictions démocratiques, leur programme conduit, à l’un comme à l’autre, s’il est vraiment appliqué, à une sortie ( volontaire pour le FN, subie pour le Front de Gauche) de l’euro ; à une mise de la Banque de France sous tutelle du budget, pour financer la dette ; à un protectionnisme national, faute d’en obtenir un de l’Union européenne ; à une remise en cause du paiement de la dette publique, ce qui veut dire un arrêt du financement de celle-ci par les préteurs internationaux, et donc à un repli sur les épargnants français, à qui il faudrait demander un emprunt forcé, nouveau nom de l’impôt. Le souverainisme rejoint ainsi le socialisme, dans un projet conduisant inévitablement à un isolement du pays et à son effondrement économique, social et démocratique. Alors, contrairement à ce qu’ils croient, s’ils viennent à gouverner, le Front National devrait augmenter beaucoup les impôts. Et le Front de gauche interdire l’immigration. Dans un cas comme dans l’autre sans résoudre le problème majeur, celui du chômage.
Cette mascarade ne serait pas grave, et il ne faudrait pas lui consacrer trois lignes, si le risque n’était pas grand de voir aujourd’hui les partis dit « de gouvernement », paniqués par ce que leur indiquent les sondages, et par leurs rencontres avec les électeurs, se calquer sur ces thèses, et tenir les mêmes discours pour ne pas être débordés, l’un par la gauche, l’autre par la droite. L’extrême droite se glisse dans l’UMP ; l’extrême gauche dans le Parti Socialiste. Les uns et les autres ne se cachent plus, insultent ensemble, défilent ensemble, votent ensemble.
A la fin de ce marché de dupes, la classe politique française se trouverait toute entière alignée sur un seul et même programme, à la fois national et socialiste. A force d’avoir cherché à rejoindre chacun son extrême, on constatera que tous prônent les mêmes idées et défendent le même programme, évidemment antidémocratique, évidemment inefficace, évidemment honteux.
Toute la classe politique française veut-elle que la France ressemble un jour la Corée du Nord ? Evidemment non. . Il est donc temps de réagir. Et de voir, à droite comme à gauche, les partis de gouvernement construire des programmes compatibles à long terme avec nos engagements internationaux et avec la démocratie, et conserver le courage de les défendre. Il n’est que temps, si on ne veut pas que les prochaines échéances électorales, locales et européennes, tournent au désastre rouge et brun.
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