Pendant que les principaux chefs d’État et de gouvernement du monde vont perdre quatre jours de leur temps précieux pour tenter de faire croire à leurs opinions publiques qu’ils peuvent régler par de vagues communiqués les problèmes de l’économie mondiale au Mexique, et ceux de l’environnement au Brésil, les dirigeants européens ont, eux, vraiment, une ultime chance de décider de leurs destins.
Ultime chance parce que, s’ils ne font rien, la survie de l’euro dépendra, une fois de plus, l’été prochain, d’une intervention massive des banques centrales. Et chacun de nos pays sera bientôt emporté dans une immense dépression, bouchon flottant dans l’océan des marchés.
Ultime chance parce qu’il leur est encore possible de comprendre que séparés, ils courent au déclin ; et qu’ensemble, ils constitueront encore pendant très longtemps la première puissance du monde, avec le niveau de vie le plus élevé de la planète.
Chacun doit, pour cela, faire un pas vers l’autre.
Aux Allemands de comprendre que leur puissance actuelle n’est qu’illusion si l’Europe se défait. Et qu’ils ont intérêt à donner du temps aux autres, comme à eux-mêmes, pour mettre leurs comptes publics en ordre, relancer leur démographie et sauver leurs banques. Et pour admettre que les propositions de croissance des Français sont raisonnables.
Aux Français de comprendre que les propositions allemandes, visant à confier à une autorité commune le soin de vérifier le déficit public de chacun ne limite en rien notre souveraineté : nous y conserverons en effet le droit de choisir le montant et la nature de nos dépenses et de nos impôts.
À tous les pays de comprendre qu’il n’y a pas de solution autre que le compromis, qui passe par plus de rigueur, plus d’audace et plus de solidarité. À tous de comprendre qu’il leur faut plus réduire les dépenses publiques qu’augmenter les impôts, qu’il faut glorifier le travail et l’effort, que la compétitivité est nécessaire au bien-être social, qu’il faut harmoniser les avantages sociaux, les allocations chômage et les niveaux de retraite. À tous de comprendre qu’il ne faut pas céder aux sirènes souverainistes et aux illusions d’une diplomatie nationale dépassée.
En particulier, maintenant que les élections sont passées, le Président de la République française est dans une position de force rare. Il a, à juste titre, expliqué que la croissance doit faire partie du plan de redressement de l’Europe. Il a proposé la création d’une série d’instruments utiles pour cette croissance, et pour donner à notre système financier les moyens de son avenir.
Il reste maintenant à la France de prendre position pour ou contre le saut fédéral, récemment proposé la chancelière d’Allemagne ; de décider si faire vérifier par un ministre européen des finances la mise en oeuvre des engagements budgétaires pris par chaque européen est conforme à sa conception de la souveraineté nationale.
Si les Européens, et en particulier, les Français et les Allemands, ne font pas ce saut fédéral, ils devront tous, un jour, plus proches qu’ils ne le croient, les uns après les autres, se soumettre d’une façon très humiliante aux diktats des marchés ; c’est-à-dire aux ordres des nouvelles puissances du monde, détenteurs de rentes, et aux ordres des États-Unis, qui, n’en doutons pas, sauront, eux, en particulier grâce aux nouvelles découvertes de gisements pétroliers sur le sol, rester une très grande puissance. On comprendra alors ce que signifie vraiment la perte de souveraineté.