Avec Trump au pouvoir, l’Europe doit s’attendre à tout, du pire au moins bon. Mais pour Jacques Attali, une chose est sûre : elle doit s’y préparer. On ne peut dépendre, dit-il, des Américains qui vont nous abandonner

Il est urgent pour les Européens, face à tous ces dangers imminents, de faire un grand saut vers plus de fédéralisme militaire, estime Jacques Attali.

En quatre ans, le président Trump peut entraîner un chaos planétaire : une guerre économique avec la Chine qui serait mortelle pour l’économie européenne, une guerre militaire avec l’Iran qui pourrait vite devenir nucléaire, une guerre démographique avec l’Amérique latine qui pourrait entraîner d’immenses mouvements de populations, un écroulement de la démocratie ukrainienne qui amènerait l’armée russe à la frontière de l’Autriche, une dislocation de l’Union européenne qui ruinerait nos économies, un renforcement de la Russie et des dictatures les moins fréquentables, dont la Corée du Nord, produire une quantité illimitée de gaz à effet de serre, conduire à un affrontement planétaire par bravade, à un suicide écologique par inconscience, la fin de la démocratie américaine en s’abandonnant aux méthodes d’Elon Musk et du pire des fake news.

Il pourrait aussi, parce qu’il est imprévisible, faire pragmatiquement le contraire : parvenir à un accord sur des droits de douane raisonnables avec la Chine, conditionner l’aide à Netanyahou à la reconnaissance d’un Etat palestinien démocratiquement géré, faire plier la dictature iranienne et aider à une trêve durable entre l’Ukraine démocratique et la Russie de Poutine.

Les démons démocrates sont aussi français A tout cela, nous, Européens, nous ne pouvons rien, sinon en tirer des leçons politiques et géopolitiques. Se préparer à tout et oser plus encore.

Politiquement, l’échec du Parti démocrate américain renvoie aux mêmes démons qui gangrènent les partis démocratiques en Europe, confrontés eux aussi à des partis totalitaires : pas de programme sérieux ; pas de structure de militants de haut niveau ; un soutien ridicule de stars (dont personne n’attend un conseil politique) ; un discours différent pour chaque groupe, glorifiant ainsi les différences, dans un wokisme sommaire applaudissant à l’enfermement de chacun dans des communautés de genre, d’origine sociale, d’origine culturelle ou d’origine. Sans vision, ni détaillée, ni même simple : personne ne se souvient du slogan de campagne de Kamala Harris, alors que tout le monde connaît celui de Trump, martelé depuis huit ans.

En France, en particulier, on est dans cette situation mortelle. Et si, à gauche, la LFI seule a un programme, il est fondé sur l’enfermement des communautés, qui vient de conduire au suicide le Parti démocrate. Alors qu’il faut au contraire que les partis de la droite et de la gauche démocratiques travaillent au plus vite à un programme rassembleur, pour tous, inscrit dans une vision, réaliste et financé. Ils en sont loin.

Géopolitiquement, il est urgent pour les Européens, face à tous ces dangers imminents, de faire un grand saut vers plus de fédéralisme militaire. On ne peut dépendre des Américains qui vont nous abandonner. On ne peut non plus se fier au bon vouloir des Russes et des Chinois qui veulent nous piller. Il nous faut au plus vite un grand programme de production d’armement et la constitution d’une véritable armée européenne. Et pour cela, lancer de grandes réformes institutionnelles et des grands programmes de recherche, en matière d’intelligence artificielle, de simulation, d’informatique quantique, et dans bien d’autres domaines.

Oser, s’il vous plaît, au moins entre Français et Allemands. Vite. Cette fenêtre ne sera pas ouverte très longtemps.