Le président Sarkozy a encore devant lui trois ans de mandat, dans un environnement difficile et exaltant. Difficile parce que les déficits encore à venir limitent considérablement ses moyens d’action face à la crise et au chômage. Exaltant parce qu’il dispose de tous les pouvoirs institutionnels nécessaires pour agir, face à une opposition en miettes.
Il est donc important pour lui, comme pour le pays, qu’il fasse une ultime pause, pour choisir ses priorités, avant de se lancer dans cette dernière ligne droite. Pas une pause trop longue, car le temps lui est compté : pour la première fois dans l’Histoire de France, un président de la République se représentera après seulement cinq ans de mandat, sans pouvoir se permettre, comme Francois Mitterrand et Jacques Chirac, de perdre les élections législatives pour gagner ensuite les présidentielles : pour lui, ce sera tout ou rien.
Deux routes s’ouvrent donc à lui : ne réformer que pendant un an, jusqu’aux élections régionales, au bénéfice de ses seuls électeurs, et naviguer ensuite au fil de l’eau, pour tenter de rester populaire jusqu’aux élections présidentielles. Ou réformer jusqu’au dernier jour de son mandat, en comptant sur la maturité des électeurs pour lui en savoir gré. Le premier choix peut le faire réélire, mais son passage au pouvoir ne laisserait alors aucune trace durable. Le second peut le faire battre, mais il resterait alors comme le seul président réformateur depuis le début des années 80.
Son choix dira donc d’abord beaucoup de l’idée qu’il se fait de l’intelligence du pays et de la gravité des problèmes que celui-ci affronte ; il influera ensuite pour longtemps sur le destin du pays.
Et si Nicolas Sarkozy choisit la seconde voie, comme je le pense, (par défi autant que par conviction), il devra à mon sens se concentrer sur trois réformes majeures, les programmer sur trois ans et les expliquer en détail au pays :
D’abord, réformer les services publics et les rendre plus efficaces et moins couteux. Cela ira de la réforme des collectivités locales en surnombre à celle de la justice (la pénitentiaire, la procédure pénale et les professions du droit), en passant par le renforcement des services publics dans les zones rurales et les quartiers sensibles, la réduction des gaspillages et l’usage massif des technologies de l’information dans les administrations centrales.
Ensuite, consacrer beaucoup plus de moyens qu’aujourd’hui à renforcer la qualité des deux secteurs stratégiques de l’avenir, l’éducation et la santé ; et leurs parents communs : la recherche, la prévention et la formation permanente.
Enfin, obtenir des secteurs public et privé que soient lancés dans les nouvelles technologies, (aujourd’hui trop largement en déshérence), telles que les énergies nouvelles, les nanotechnologies, les biotechnologies et les neurosciences, d’énormes projets d’infrastructures et d’innombrables nouvelles entreprises.
Naturellement, le Président ne pourra convaincre les Français des efforts à accomplir pour réussir ce programme qu’en créant les conditions de leur juste partage et les inscrivant dans une vision claire de la place de la France dans l’Europe et le monde de 2012.
Bien au-delà de quelques changements de personnes, c’est donc le sort du quinquennat qui se joue dans les prochaines semaines : les grandes orientations du budget pour 2010, qui doivent traduire ces choix, devront etre arrêtées au plus tard le 15 Juillet 2009.