J’aurai tant voulu pouvoir écrire que le G20 est un succès total : J’aurai tant voulu pouvoir, comme le font presque tous les commentateurs, saluer sans nuance les efforts énormes des uns et des autres pour que personne ne claque la porte.
Les efforts du président français, pour qu’on traite sérieusement de la régulation, ce qu’on a fait, en promettant une liste de paradis fiscaux, en contrôlant mieux les agences de notation, les hedges funds et les rémunérations des patrons et des traders, en créant un comité de stabilité économique (au lieu du Forum du même nom).
Les efforts du président américain, pour qu’on rappelle les immenses programmes de relance, ce qu’on a fait.
Ceux du président chinois, pour qu’on reforme le FMI et qu’on crée des DTS, ce qu’on a fait. Ceux des présidents du Sud pour qu’on augmente de 0, 75 trillions les moyens du FMI à leur intention, ce qu’on a fait, portant à 5 trillions le montant de la relance.
Mais je ne peux m’empêcher de craindre que tout cela n’annonce aussi l’accumulation de bien de nouveaux nuages à l’horizon, parce qu’on emploie pour résoudre la crise les mêmes armes que celles qui l’ont créée. Quelques exemples :
5 Trillions de relance ?
C’est bien la somme des sommes déjà dégagées, mélange de prêts, d’émissions monétaires, qui représente 10% du PIB mondial ; mais qui renvoie à la question simple : qui finance ? Je ne vois aucune recette, sauf la vente d’un peu d’or du FMI ; et encore, sa mise sur le marché en fera s’effondrer le prix. Comment alors espérer résoudre une crise de la dette en augmentant la dette ? A terme, par l’argent des contribuables.
Des bilans de banques plus sains ?
En permettant aux banques et aux assureurs de ne plus valoriser leurs actifs à des prix proches de leur valeur de marché , on améliore en apparence le bilan des banques. Mais à l’inverse, on ne les encourage pas à se débarrasser de leurs actifs toxiques. Les auditeurs vont même se retrouver, avec ces nouvelles dispositions, dans l’obligation de valider des valorisations d’actifs même s’ils ne sont pas convaincus des hypothèses sous jacentes. Quand la vérité apparaitra, dans quelques mois ou quelques années, il faudra recapitaliser ces institutions. Avec l’argent des contribuables (bis)
Une spéculation réduite ?
En apparence oui. Mais quoi, en pratique ? Rien n’est dit sur les CDS, épée de Damoclès au dessus du système, ni sur les paradis fiscaux anglo-saxons, grands vainqueurs du G20, ni sur la réalité de la titrisation et des effets de levier. En fait, tout semble même continuer comme avant : La FSA (régulateur anglais) a autorisé avant hier la Barclays à céder l’une de ses filiales en lui permettant de financer l’acquéreur. Comme avant. Les nouvelles valorisations autorisées vont améliorer artificiellement les fonds propres et permettre l’accroissement des effets de levier. Comme avant. Le plan Geithner va permettre aux banques américaines de vendre leurs actifs toxiques avec des effets de levier dignes des pires spéculations d’avant la crise (9 pour 1). Comment le Comité de Stabilité Financière pourrait-il autoriser des pratiques si contraires aux principes qu’il est supposé défendre ? Comment autorisera t il ainsi à des fonds spéculatifs de faire d’immense profits avec l’argent des contribuables (ter).
Et enfin, comme rien n’est fait véritablement pour renforcer les fonds propres des banques, dont dépend la relance durable du financement sain de la demande, le G20 semble s’attendre à la faillite de nombreuses institutions financières , et vouloir se prémunir contre son propre échec, par cette phrase rassurante et terrifiante : « … we will put in place credible strategies from the measures that need to be taken… ». Autrement dit, si tout ca ne marche pas, on fera plus encore. Plus, mais quoi? Plus de dettes. Et à terme, plus d’impôt (quatuor)
Au total, tout se passe malheureusement comme si, à coté de mesures tres utiles et courageuses , dont j’espère infiniment qu’elles suffiront, on mettait en place un immense plan de relance aveugle, non dirigé vers la sauvegarde des banques, ni vers les secteurs d’avenir, et non financé, qui pourrait se terminer , dans deux mois ou dans deux ans , par des faillites, une hyperinflation, et un formidable plan d’austérité.
Tout se passe comme si les alcooliques anonymes, tout heureux de leurs bonnes résolutions, avaient décidé, au sortir de leur réunion, de prendre un dernier verre. Pour la route.