Le numérique a démultiplié le potentiel créatif du peuple. Dans la musique, par exemple : la norme de transmission des données MIDI et le sampler (qui permet la composition musicale par numérisation des sons réels) ont démocratisé la création. Au point de faire mentir Claude Lévi-Strauss, qui écrivait : « En droit, sinon en fait, tout homme convenablement éduqué pourrait écrire des poèmes, bons ou mauvais ; tandis que l’invention musicale suppose des aptitudes spéciales, qu’on ne saurait faire fleurir à moins qu’elles ne soient données ». Aujourd’hui, plus besoin d’être un expert pour composer de la musique : les technologies numériques viennent en support du compositeur amateur. Ce n’est pas un hasard si les adolescents d’aujourd’hui sont deux fois plus nombreux à jouer un instrument que ceux des années 1960 : ils ne sont plus cantonnés à reproduire les musiques d’autrui, ils peuvent créer, devenir acteurs de leur propre vie. Des organisations comme Le Cube sont précieuses pour accompagner cette mutation en y initiant des publics de tous les âges.
Mais les inventions technologiques mises au point par les ingénieurs les plus talentueux ne seraient rien si l’on ne réfléchissait pas au sens à leur donner. Aux moyens d’utiliser ces outils nouveaux pour faire avancer la société. La Revue du Cube, en associant des personnalités issues d’horizons variés, participe à cette réflexion collective. Leur travail sur la ville numérique, par exemple, est particulièrement intéressant : c’est l’un des enjeux majeurs du monde de demain. Le numérique sera peut-être salvateur quand il s’agira de faire vivre la grande majorité des neuf milliards d’habitants que la planète comptera d’ici quarante ans dans d’immenses centres urbains.
Leur travail sur la confiance également, à l’heure où les réseaux sociaux font tomber la barrière entre espace public et espace privé. Pour que le numérique se développe et irrigue notre société, il faut qu’on puisse lui faire confiance. Or, la confiance, ça se construit. Par des règles (sur la protection de la vie privée) et par des normes (le protocole 3-D Secure qui protège les paiements par Internet). Seulement nos institutions démocratiques nationales ne sont par nature pas adaptées à cet univers parallèle transnational. Il faudra alors aller vers un gouvernement mondial capable de le réguler ou bien se résigner à faire du numérique une zone de non-droit. Mais alors son futur me semble bien incertain.
Jacques Attali
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