« Quand il y a six ans, Patrick Souillot, directeur de l’Orchestre symphonique universitaire de Grenoble, m’a proposé de prendre sa baguette, j’ai commencé par refuser. Bien sûr, j’ai toujours rêvé de faire ce métier. Mais justement c’est un métier, qui suppose une immense culture en harmonie, en solfège, en direction, que ne pouvait pas remplacer mon modeste niveau pianistique. Et puis j’ai relevé le défi. Un an de travail intensif avec Patrick Souillot et François-Xavier Roth m’a permis de découvrir les rudiments de leurs savoirs. Depuis, je dirige chaque année trois ou quatre concerts, sur des programmes différents. C’est la chose la plus difficile au monde qu’il m’ait été donné de tenter. Tout est à l’œuvre : le corps, les mains, le bras, la tête, les yeux, l’intelligence, la mémoire, la sensibilité. Tout se joue dans le travail, d’abord seul avec les partitions, puis en répétition, pupitre par pupitre, puis en concert, où le chef dans avec l’orchestre, dans un acte d’amour et de confiance réciproque : nul n’est rien sans l’autre. Je n’ai compris un peu de ce métier qu’en saisissant l’importance du regard sans cesse échangé entre le chef et ceux des musiciens dont il attend quelque chose dans la seconde qui suit. Et alors la joie est indicible : la musique ainsi vécue est tout autre que celle qu’entend le spectateur. Elle est fragile, vivante, mortelle. Elle m’aide en tout cas à m’approcher de l’essentiel, c’est-à-dire la beauté. »
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