À ne considérer que les évènements certains, 2024 sera une année d’exception pour la France, l’Europe et le monde. Et plus encore, en considérant les évènements encore incertains.
Parmi les évènements certains, les élections à venir : dans les 12 prochains mois, plus des 2/3 des électeurs de la planète seront appelés à voter dans des élections plus ou moins libres.
En Europe, des élections auront lieu au Parlement européen et au Portugal, en Belgique, au Royaume-Uni, en Autriche, en Finlande, en Lituanie, en Croatie, en Ukraine. Ailleurs dans le monde, on votera aux États-Unis, au Mexique, en Russie, en Iran, en Indonésie, en Inde, au Pakistan et au Bangladesh, en Corée du Sud, à Taïwan, au Bhoutan, au Cambodge, en Azerbaïdjan, au Sénégal, en Algérie, aux Comores, en Namibie, en Guinée-Bissau, au Mali, au Burkina Faso, au Rwanda, au Togo, en Mauritanie, à Maurice, au Mozambique, au Salvador, au Panama, en République Dominicaine, au Mexique, ou encore en Uruguay. Des élections législatives seront organisées aux Îles Salomon, aux Îles Palaos et à Tuvalu (dont les 11.000 habitants ont déjà négocié un asile climatique en Australie).
Dans nombre de ces pays, les résultats des élections en sont à peu près prévisibles :
En Grande-Bretagne, la victoire des travaillistes semble acquise ; en Inde, le premier ministre Narendra Modi devrait être reconduit ; au Pakistan, comme au Bangladesh, les élections prochaines ne devraient pas modifier les équilibres ; en Indonésie, le favori de la prochaine élection présidentielle, Prado Subianto, ancien rival et pourtant candidat soutenu par le Président sortant Joko Widodo (qui ne peut se représenter et dont la popularité reste très élevée), devrait être élu d’autant plus qu’il a choisi le fils du Président sortant comme colistier ; au Mexique, il semble maintenant probable que la maire de Mexico, Claudia Scheinbaum, soutenue par le Président sortant, socialiste, l’emportera contre une autre femme, Xóchitl Gálvez qui réunit autour d’elle toutes les oppositions de droite et du centre. En Iran, en Russie, et dans tant d’autres pays, les élections ne seront qu’une mascarade imposée par la terreur. Dans plusieurs pays énoncés plus haut, les élections n’auront peut-être pas lieu…
Parmi les élections incertaines, les 3 plus importantes seront les élections présidentielles aux États-Unis et à Taïwan, ainsi que les élections européennes qui renouvelleront le Parlement européen. Aux États-Unis, quel que soit le vainqueur, le résultat ouvrira une période de grand chaos : un chaos durable, si Donald Trump est élu et applique son programme fou, qui vise à installer une véritable dictature ; un chaos provisoire si, après sa défaite, ses partisans déclenchent une guerre civile mieux préparée qu’en 2020. Dans tous les cas, les États-Unis seront, en 2024, plus que jamais tournés vers eux-mêmes, au moment où l’Europe, en particulier, aurait besoin de son soutien. Une Europe qui pourrait se retrouver, en juin 2024, avec un Parlement européen beaucoup moins homogène que l’actuel, donc beaucoup plus faible ; avec une extrême-droite qui pourrait, avec les populistes, devenir le 3ème parti de ce Parlement. À Taïwan, tout se jouera entre 3 candidats : le favori William Lai, plutôt hostile à tout rapprochement avec Pékin, devra battre Hou Yu-ih qui veut protéger la paix à tout prix, et l’imprévisible Ko Wen-je, qui a le soutien des jeunes.
Parmi les autres évènements (presque) certains, à la régularité établie : les Jeux Olympiques, à Paris, et les championnats du monde ou continentaux de très nombreux sports animeront les conversations.
Parmi les autres certitudes, la poursuite du dérèglement croissant du climat, qui sera de plus en plus visible et provoquera des catastrophes de plus en plus nombreuses, sur tous les continents. Et aussi, la famine, qui continuera sans doute à toucher plus de 500 millions d’habitants de la planète. Et encore, l’effondrement du système éducatif, dans de très nombreux pays, qui sera sans doute de plus en plus visible.
Dans le même temps, des conflits à l’issue incertaine pèseront sur le sort de centaines de millions de gens. Les guerres en Ukraine et à Gaza pourraient, l’une comme l’autre, s’éteindre ou s’étendre ; comme les autres conflits en Somalie, au Yémen, en République démocratique du Congo.
Et tellement d’autres inconnues… L’Iran, comme la Corée du Nord, se déclareront peut-être l’une et l’autre puissances nucléaires, bouleversant ainsi les équilibres géopolitiques de leurs régions. Pendant que l’armée populaire chinoise rodera d’autant plus près de Taïwan que les élections auront mis au pouvoir un ennemi du rapprochement.
Quoi qu’il arrive, et même si la plupart de ces élections semblent conduire à un statu quo presque général, nous sommes entrés dans une zone de très grande turbulence, dans laquelle les déséquilibres s’accélèrent sans que les mécanismes de rééquilibre ne se mettent en place.
Certains continueront d’espérer en un miracle issu du progrès technique qui s’accélère, lui aussi. D’autres, de plus en plus nombreux, réaliseront que le destin de l’humanité dépendra de l’action de chacun.
Nous le savions déjà au début du 20ème siècle ; et nous n’avions rien fait. 2024 est plus que jamais une année de vérité.
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