2023 restera, pour beaucoup, et avec raison, l’année des barbaries, des guerres, et des reculs de l’État de droit. Une ambiance lugubre règne sur la planète et beaucoup en déduisent que bien pire est devant nous. Et pourtant, à côté de toutes ces catastrophes, de très nombreuses bonnes nouvelles sont plutôt passées inaperçues…
D’abord, en matière d’intelligence artificielle (qu’il faudrait plutôt nommer « prévision automatique »), des progrès fulgurants ont considérablement amélioré la capacité de prévoir les pannes, les accidents, les fuites, les erreurs ; améliorant formidablement l’efficacité et la sécurité des machines et ouvrant la voie à de formidables économies d’énergie et de matières premières.
En matière de santé, des modèles d’intelligence artificielle de plus en plus sophistiqués ont permis cette année : d’améliorer drastiquement la prévision des risques de crises cardiaques ; de réaliser des progrès considérables, en particulier à Paris, dans les traitements coronaires ; de faire émerger de nouveaux médicaments utilisant l’ARN messager dans de très nombreux domaines, en particulier en cancérologie ; d’améliorer considérablement les premiers traitements de la maladie de Parkinson ; de permettre, à des chirurgiens de New-York, de réaliser la première transplantation complète d’un œil en injectant des cellules souches du donneur ; de guérir des enfants atteints d’une forme particulière rare de surdité grâce à une thérapie génique intervenant sur le nerf optique, développée à la fois en Chine et à Cambridge en Grande-Bretagne ; de réparer, pour la première fois, une veine très particulière dont la déviation pouvait causer des dommages irréversibles au cerveau après la naissance via une opération du cerveau in utero à Boston, à Londres et à Toronto.
Des progrès gigantesques ont été accomplis pour éliminer les plus nocifs des quelque 4700 composés perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés. Dits PFAS, l’on retrouve ces composés chimiques dans la mer, l’eau de pluie, l’eau potable, les emballages et les aliments utilisant des sucres artificiels et des conservateurs. Des avancées considérables ont été aussi accomplies pour disposer de batteries moins polluantes, et moins nocives pour ceux qui les produisent, en particulier en remplaçant le lithium par du sodium.
Un traité a été signé par quelque 70 pays pour protéger, à partir de 2025, la haute mer de toute incursion excessive par la pêche en eau profonde, l’exploration des grands fonds et le transport maritime. Quand il sera ratifié, on passera de 1% des hautes mers protégées à 30%. La négociation sur un autre traité visant à réduire la pollution plastique a beaucoup avancé et devrait être finalisée en 2025, imposant des mesures planétairement contraignantes. Ce traité est essentiel quand on lit les chiffres : sur les 400 millions de tonnes de déchets plastiques produits, quelque 14 millions de tonnes sont déversées chaque année dans les océans.
Des avancées considérables ont par ailleurs eu lieu dans la lutte contre le travail des enfants et les violences faites aux femmes.
Bien que la COP 28 ait été décevante, des avancées significatives ont eu lieu aussi en matière de climat : l’Australie et Tuvalu (une île très basse et menacée de disparition) ont signé le premier traité international organisant l’asile climatique d’habitants d’un pays menacé de disparition ; des pays riverains de l’Amazone, du Congo et des grands fleuves du Sud-Est asiatique, abritant les plus larges forêts tropicales du monde et possédant les deux tiers de la biodiversité de la planète, ont mis au point des mécanismes de protection de la biodiversité ; la République démocratique du Congo a signé un partenariat avec l’Union européenne pour rendre ses forêts entièrement durables dès 2030, tout en créant un grand nombre d’emplois pour la protéger.
Au Brésil, le Gouvernement semble avoir décidé cette année de lutter sérieusement contre la déforestation : en 2023, le taux de déforestation a été à son plus bas niveau depuis 2018, et le gouvernement Lula s’est fixé l’objectif de zéro déforestation en 2030. La Chine a annoncé commencer à réduire ses émissions de CO2 pour la production électrique, en ayant cette année doublé sa capacité de production d’énergie renouvelable, qui dépasse maintenant sa production d’électricité avec des sources fossiles ; et, elle a pris l’engagement d’utiliser moins de charbon à partir de 2026, alors qu’elle consomme encore plus de la moitié de la production mondiale. Enfin, en Arabie Saoudite, un premier train alimenté en hydrogène a circulé sur la base d’une technologie française.
En matière géopolitique, il n’y a pas eu, en 2023, que des conflits et des actes de terrorisme barbare : les relations entre la Chine et les États-Unis se sont améliorées, en marge de la réunion de l’APEC, en particulier pour se coordonner dans la lutte contre la drogue ; l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont déclaré leur intention de normaliser leurs relations ; la CEDAO, qui rassemble les principaux pays d’Afrique de l’Ouest, a opté pour des négociations et non pour un conflit avec le Niger.
En Europe, l’Italie a décidé de se retirer des Nouvelles Routes de la Soie, ce qui permet à l’Europe d’avoir une attitude coordonnée face à la Chine. Les élections, en Pologne, ont amené au pouvoir un gouvernement très favorable à l’intégration européenne et au soutien à l’Ukraine, qui a résisté à la pression russe bien mieux que beaucoup ne le pensaient. L’Union Européenne a quant à elle fait des progrès réglementaires considérables, en adoptant des normes audacieuses en matière d’environnement et de protection digitale.
Tout cela évidemment est loin d’être suffisant et les défis, de toute nature, sont immenses. Il faut les affronter de face : les 5 années à venir me font penser aux 5 années qui précédèrent la Première Guerre mondiale : même si bien des nuages obscurcissaient l’horizon en 1908, tout était en place technologiquement, économiquement et idéologiquement pour un 20ème siècle heureux. Et pourtant, on a eu plus de 5 décennies d’épouvantable barbarie.
Le meilleur est possible. Encore faut-il ne pas désespérer, regarder les lumières et les sourires qui éclairent la route, et s’en servir pour avancer.
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Image : pexels.