Dans tous les pays, dans tous les milieux, chacun discute de mille problèmes : le climat, le chômage, le terrorisme, les injustices, la santé, l’éducation, les retraites, la culture, l’identité nationale.

Par ailleurs, dans tous les pays, dans tous les milieux, chacun a le sentiment qu’une réforme majeure est absolument fondamentale : renverser le gouvernement, reformer les institutions, autoriser les référendums d’initiative citoyenne, réduire les impôts, augmenter les dépenses publiques, réduire l’immigration ou à l’inverse accueillir plus d’étrangers.

Dans ce monde complexe, il est tentant de choisir, pour tout problème, une solution simple. Et même, plutôt, de profiter d’un problème, quel qu’il soit, pour proposer sa propre obsession comme une solution.

Aussi, voit-on les uns et les autres partir de la réforme qu’ils ont en tête pour remonter jusqu’au problème qu’on leur pose, quel qu’il soit : Comme si chacun d’entre nous aimait proposer son obsession comme solution de tout problème qui passe. Reprenant, sans le savoir la phrase de Woody Allen : « Je ne connais pas la question, mais le sexe en est certainement la réponse. ».

Ainsi, par exemple, voit-on les libéraux les plus fanatiques nous expliquer, contre toute logique, que c’est parce qu’on dépense trop d’argent public pour réduire les inégalités qu’elles restent si élevées ; et ils se font même fort d’expliquer, de la même façon, et aussi absurdement, que réduire les dépenses publiques (puisque telle est leur obsession) permettra d’améliorer la situation des retraités, ou de faire disparaître le chômage ; ou même de réduire le désordre climatique.

A l’inverse, contre aussi toute raison, on voit les socialistes les plus doctrinaires expliquer que seule une hausse massive des impôts sur le capital (qui leur semble trop souvent l’alpha et l’oméga de l’action politique) permettra de réduire les injustices ou d’améliorer la situation des retraités ou d’inciter à des comportements écologiquement raisonnables.

On pourrait répéter le même raisonnement avec toute autre obsession, proposée comme réponse à tous les enjeux. Ainsi, pour ceux qui ne jurent que par le référendum d’initiative citoyenne ou par la réduction du nombre de migrants : j’ai ainsi entendu un polémiste fort écouté m’expliquer avec le plus grand aplomb que la crise mondiale de 2008 n’avait pas d’autre cause que l’accueil excessif de travailleurs étrangers en Europe !

Ainsi, on part de moins en moins des problèmes pour trouver une solution, mais de plus en plus de la solution pour éclairer n’importe quel problème. Comme si les problèmes n’étaient qu’un prétexte anecdotique pour faire avancer une cause.

Rien n’est plus important que l’esprit critique. Et son fondement suppose de déceler l’objectif réel, même et surtout s’il est bien dissimulé, d’un discours, d’une thèse, d’un livre, d’un programme ou d’une action politique.

Quand on est confronté à un raisonnement, il faut donc partir de la solution proposée pour se demander si elle n’est pas en réalité l’objectif réel du discours, indépendamment de tout lien avec le problème qui la rendrait nécessaire.

Il faut ensuite, modestement, chercher les causes réelles des problèmes qu’on affronte, sans a priori. Et se demander, très honnêtement, si on n’est pas soi-même influencé par les solutions qu’on a a priori à l’esprit.

On arrivera alors très souvent à des réponses beaucoup moins manichéennes qu’on pourrait escompter ; à des analyses beaucoup plus consensuelles qu’on pourrait le craindre ; à des accords inattendus avec tous ceux qui suivent le même chemin logique et honnête, quels que soient leurs points de départ idéologiques ou politiques.

Sortir de la véhémence, échapper à la démonisation des autres et à la victimisation de soi-même. Se comporter en adulte.

Ce n’est pas forcément à la mode. En particulier dans beaucoup de médias dont le taux d’audience dépend du schématisme des arguments et du choc des égos.

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