Puisque cette « perspective » est la dernière avant le second tour de l’élection présidentielle française, je me dois de dire à ceux qui me font l’honneur de me lire quel est mon choix, en les invitant à y réfléchir avant de faire le leur.
Je connais très bien chacun des deux candidats. L’un depuis 1980, l’autre depuis 1982. J’ai travaillé avec l’un il y a 30 ans, à l’Elysée, auprès de Francois Mitterrand ; j’ai présidé une commission qui rendit deux rapports à l’autre il y a quatre et deux ans (une commission bipartisane, dont le Président sortant n’a appliqué qu’une partie des recommandations, la droite, bien sûr). Tous les deux sont devenus, pour moi, des amis. Et le sont restés.
Et pourtant, c’est sans aucune hésitation que je voterai pour François Hollande. La raison principale pourrait en être ma tradition personnelle, comme un réflexe pavlovien. Il est vrai que je n’ai jamais voté autrement qu’à gauche. Mais cet héritage ne compte pour presque rien dans mon choix d’aujourd’hui : la France est dans une situation si difficile que, si je pensais lucidement que la réélection du Président sortant était un meilleur choix pour le pays, je le reconnaitrai sans hésitation.
La période qui commence sera très difficile. Le monde sera de plus en plus compétitif. Les nations endettées auront à faire preuve d’audace, d’innovation, de solidarité. Les Français le savent. Ils y sont préparés. Ils en ont les moyens.
Le Président sortant ne me semble pas le mieux préparé à affronter cette situation.
D’abord à cause de son bilan. Certains diront qu’il ne pouvait faire plus en raison de la crise financière mondiale. Je ne le pense pas : la crise ne l’empêchait pas de réformer d’avantage l’Etat ; elle ne l’obligeait pas à réduire les recettes fiscales sans réduire les dépenses publiques ; elle ne le forçait pas à avantager si scandaleusement les plus riches ; elle ne l’empêchait pas de moderniser le droit social, de renforcer la formation des chômeurs, d’améliorer l’école primaire, de prendre le tournant des drones qui font aujourd’hui si cruellement défaut à nos armées. Elle ne lui interdisait pas non plus de proposer des avancées pour la construction européenne, sans lesquelles l’euro disparaitra bientôt, pour le plus grand désastre de notre pays.
Ensuite à cause de ce qu’annonce sa stratégie électorale de confrontation, qui le pousse à reprendre à son compte, jour après jour, toutes les idées du Front National. Cette stratégie ne peut le conduire, s’il est élu, qu’à revenir sur tous les acquis de la construction européenne, à installer une république sécuritaire, à remettre en cause les droits des femmes et des étrangers. Si c’est à ce genre de priorités que l’a conduit son expérience présidentielle, mieux vaut ne pas la renouveler.
Francois Hollande, lui, sera le meilleur candidat. Certes, il n’a jamais été ministre ; mais il est depuis trente ans associé à l’exercice du pouvoir en France. Et je le connais assez, depuis assez longtemps, pour me porter fort de sa compétence, de sa transparence, de sa culture, de son sérieux, de sa force morale. De plus, son programme, comme sa stratégie électorale correspondent beaucoup mieux que ceux de l’autre candidat à ce dont la France a besoin aujourd’hui : être rassemblée et apaisée.
Le prochain Président ne pourra réussir que s’il réunit durablement toutes les forces de la France. L’un ne le voudra pas et ne le pourra sûrement pas. L’autre le voudra, et il faut lui en donner les moyens.