Comme je comprends ceux des électeurs français qui pensent à s’abstenir lors des prochaines élections présidentielles ! Nous avons assisté à une campagne désastreuse.
Aucun sujet important n’a été sérieusement traité. Aucun débat de fond n’a eu lieu entre les candidats. On a mis très longtemps à s’intéresser aux programmes des candidats et plus encore à essayer de comprendre ce qui les oppose vraiment. De plus, ont explosé des affaires honteuses. Et une grande confusion a régné tout au long de cette campagne entre les enjeux qui relèvent de la compétence présidentielle et ceux qui dépendront des élus aux prochaines élections législatives.
Beaucoup d’électeurs ont aussi le sentiment qu’on a tout essayé sauf des solutions si extrêmes, si irréversibles, qu’ils hésitent à les prendre au sérieux. Enfin, ils ont de plus en plus le sentiment que le pouvoir politique, exécutif et législatif, a de moins en moins d’influence sur leur propre destin ; qu’il ne peut leur apporter ni emploi, ni sécurité. Et qu’il vaut mieux ne rien attendre des puissants, se débrouiller tout seul. Ici ou ailleurs.
Aussi, peut-on comprendre pourquoi tant de gens, de plus en plus de gens, s’abstiennent aux diverses élections. Et la France n’est pas la seule à suivre ce chemin dangereux : on s’abstient beaucoup, de plus en plus même, ailleurs en Europe et aux Amériques.
Et pourtant, l’abstention est le pire des choix.
D’abord, parce que ne pas voter, c’est voter comme la majorité de ceux qui vont, eux, aller voter. C’est donc, d’une certaine façon, faire le choix implicite de renforcer le résultat tel qu’il s’annonce dans les sondages des derniers jours avant l’élection. L’abstentionniste vote donc, contrairement à ce qu’il croit.
Ensuite, parce qu’un pays dont le président ne serait élu que par un faible nombre d’électeurs perdrait de son prestige et de son influence dans le monde ; cela aurait des conséquences sur la capacité de ce pays à faire valoir ses vues dans les négociations internationales. Ce serait donc contraire à l’intérêt concret de chacun de ses citoyens.
Enfin, parce que la France reste un des rares pays dans le monde où la démocratie fonctionne à peu près correctement ; et, alors que tant de gens meurent ailleurs pour conquérir les privilèges d’électeurs, ce serait blasphémer que de ne pas exercer les nôtres.
Aucune élection n’est acquise. Aucun sondage n’est crédible. Aucune démocratie n’est éternelle. Votez, pendant qu’il en est encore temps. Votez, pour renforcer la légitimité de la démocratie, pour la rendre plus vivante encore. Votez, ne serait-ce que pour vous forcer à avoir une opinion, à prendre parti.
Votez. Mais ne vous en contentez pas : dès le lendemain des élections, soyez très exigeants avec vos élus ; vérifiez s’ils se conforment enfin aux codes éthiques qu’ils auront juré de respecter pendant cette campagne. Contrôlez leur présence à l’Assemblée, au Sénat, dans leurs circonscriptions. Exigez qu’ils remplissent leurs rôles de législateurs et de contrôleurs de l’exécutif ; qu’ils mettent en œuvre les programmes dont vous les aurez chargés ; faites en sorte qu’ils légalisent la distinction entre le vote nul et le vote blanc, qui permettra d’exprimer, en votant, un refus de toutes les offres proposées.
Et mieux encore : faites vous-même de la politique, d’une façon ou d’une autre ; dans les partis ou les associations, dans les élections locales ou syndicales. C’est la condition même de la survie de nos si fragiles libertés.