La différence de démographie entre la France et l’Allemagne est un facteur essentiel pour expliquer ce qui se joue dans la crise de l’euro.
La démographie allemande, comme celle de presque toute l’Europe, est catastrophique : si la natalité reste ce qu’elle est (autour de 1,4 enfants par femme), les Allemands, qui sont aujourd’hui encore environ 82 millions, ne seront plus que 73 millions au mieux et 66 au pire en 2050 (selon le taux d’immigration) et les plus de 60 ans représenteront 40% de la population soit deux habitants sur cinq.
La démographie française, comme celle l’Irlande, est exceptionnelle : en supposant que les tendances démographiques récentes se maintiennent, la France (qui compte aujourd’hui 65 millions d’habitants) comptera plus de 74 millions d’habitants en 2050 ; les plus de soixante ans représenteront 33% de la population soit un habitant sur trois. La population de la France sera donc beaucoup plus jeune et dépassera, dans tous les cas de figure, celle de l’Allemagne.
Ceci explique l’essentiel de ce que nous vivons aujourd’hui : l’Allemagne n’a absolument pas intérêt à l’inflation, qui atteindra l’épargne, donc les personnages âgées, à l’avantage des emprunteurs, qui sont les plus jeunes. Et naturellement, sans jeunes au travail, les retraites allemandes ne seront pas finançables. L’Allemagne doit donc garder l’essentiel de ses ressources pour tenter de financer au moins en partie ses retraites, alors que la France a moins à craindre l’inflation et a intérêt à maintenir des dépenses sociales importantes (en matière de famille, de crèche, d’emploi des femmes, de logements, de fiscalité) qui accompagnent très largement sa structure démographique.
Ces différences d’évolutions démographiques dans la même zone monétaire seront à terme aussi insupportables que les différences de dettes publiques et de compétitivité. Car, si l’on continue comme cela, les Allemands devront emprunter aux Français de quoi payer leurs retraites.
La convergence démographique est donc nécessaire. Pour y parvenir, on peut imaginer au moins quatre solutions :
1. La mobilité de la main d’oeuvre, qui attirerait les plus jeunes là où il y a le plus de travail : elle est absolument nécessaire, mais on ne peut pas imaginer que les Français iront un jour en masse volontairement travailler en Allemagne. Aujourd’hui, ils partent volontiers n’importent où, sauf en Allemagne.
2. L’alignement de la politique familiale française sur l’allemande : c’est ce qui est en filigrane derrière les demandes allemandes de réduction des dépenses publiques françaises. Mais si la convergence budgétaire devient une stratégie pour faire vieillir la France au même rythme que ses voisins, cela est évidemment inacceptable.
3. L’alignement de la politique familiale allemande sur la politique française serait surement une meilleure solution ; cela suppose que l’Allemagne accepte d’augmenter ses dépenses sociales, et cesse de demander à la France de réduire les siennes. Cela mettra du temps à être efficace, car les habitudes familiales sont longues à changer.
4. L’acceptation, par les uns et par les autres, de plus d’étrangers, venus d’autres continents (et pas seulement de l’Est de l’Europe, confronté au même problème que l’Allemagne) est certainement un élément de la solution, à condition de se doter, entre Européens, d’une véritable politique d’intégration des étrangers.
Il est donc urgent d’introduire le paramètre démographique dans les discussions financières : un peu de long terme ne fera pas de mal.