S’il est une qualité rare et plus que jamais nécessaire en politique, c’est l’héroïsme, forme extrême du sacrifice de ses intérêts personnels, pour le service d’autrui. Manifestation absolue d’altruisme.
On la voit surtout se manifester dans les affaires militaires, où, chaque jour, quelque part dans le monde, bien des gens meurent pour une cause.
On préfère en général réserver le mot « héroïsme » pour désigner une cause noble, et utiliser le mot « fanatisme » pour caractériser les motivations des auteurs d’attentats suicides ou de crimes terroristes.
L’héroïsme ne doit pas non plus se confondre avec l’aveuglement, qui conduisit les cavaliers polonais à charger en 1939 face aux divisions de chars allemands.
Il y a eu d’innombrables héros dans l’histoire de France. Quatre, parmi les plus récents, viennent d’être choisis pour en rejoindre d’autres au Panthéon des gloires nationales.
D’autres meurent encore souvent, connus ou inconnus, dans les opérations militaires que la France mène en Afrique et ailleurs. D’autres encore en font preuve par profession (policiers, gendarmes, pompiers, sauveteurs en mer) ou par situation (lorsqu’ils sont confrontés à un danger menaçant autrui, et risquent leur vie pour l’écarter). Ces gens-là ne se révèlent que si les circonstances se présentent, sans l’avoir théorisé, ni s’y être préparés.
Rares sont par ailleurs les cas d’héroïsme économique, où un patron ou un cadre mènerait les réformes nécessaires pour sauver une entreprise, sachant qu’il y perdra son emploi.
Plus rares encore sont les cas d’héroïsme politique, c’est-à-dire de choix délibéré de renoncement à la poursuite d’une carrière publique pour mener des réformes dont un pays, ou une collectivité locale, a besoin.
On a même le plus grand mal à citer de tels héros économiques ou politiques.
Parmi les premiers, on peut ranger le patron qui décide une fusion avec un concurrent en sachant qu’il ne va pas diriger le nouvel ensemble et qu’il n’a rien à y gagner en termes de patrimoine.
Pour les seconds, on peut citer Winston Churchill, réclamant en 1938 dans l’opposition le réarmement britannique ; Pierre Mendès-France menant la politique de décolonisation, ou encore le chancelier allemand Gerhard Schroeder se lançant dans la réforme deux ans avant des élections. Le gouvernement français qui sortira des actuelles turbulences au lendemain des municipales, différent ou identique à l’actuel, devra faire preuve d’héroïsme. Il devra s’en vanter même. En faire une arme de son action.
Après tout, ce gouvernement, comme ses prédécesseurs, assoit l’essentiel de la popularité qui lui reste sur l’héroïsme de ses soldats. A lui d’en faire preuve aussi.
Il s’agira en effet pour lui de sauver la société française des maux qui la rongent. Il lui faudra assumer l’immensité des réformes à conduire, pour maîtriser le chômage et la dette publique. Vite. Et pas seulement les décider, mais aussi les mettre en œuvre ; en contrôler quotidiennement la réalisation. En sachant que cette majorité y perdra presque toute chance d’être réélue.
Ce gouvernement devra le faire sans faillir. Sans trembler. Sans reculer devant les critiques catégorielles : l’héroïsme est aussi fait d’entêtement, de précision, de modestie, d’indifférence.
Les hommes politiques ne doivent pas le craindre, ils doivent au contraire bénir de se trouver confrontés à de telles circonstances : les mystères de l’âme humaine sont tels que, dans le souvenir des peuples, les héros ne meurent jamais.