Il arrive que l’éventualité d’une petite réforme, en apparence purement technique, porte en fait en germe de très profondes mutations des mœurs, et de très considérables conséquences sur la structure même de nos sociétés.
Ainsi de la réforme, en cours de discussion, du congé parental, que le langage technocratique a rebaptisé récemment CLCA (Complément de Libre Choix d’Activité). Cette disposition, qui assure en principe aux parents un revenu de substitution pour s’occuper de leurs enfants, (en complément des allocations familiales qui permet de financer leurs besoins), s’inscrit dans le cadre de la politique familiale française, reconnue aujourd’hui à juste titre comme une des meilleures du monde.
Pourtant, une remarquable étude du Haut Conseil de la Famille, qui réunit 52 représentants des partenaires sociaux, d’associations familiales, d’élus et d’experts, vient de montrer que le CLCA, dont 96% des bénéficiaires sont des femmes, prolétarise ses bénéficiaires en raison de son faible niveau (au maximum 550€/mois), écarte les femmes du travail en raison de sa longue durée (qui va jusqu’à 3 ans à partir du 2ème enfant), diminue les perspectives de carrière et de progression salariale des mères qui reviennent au travail après une si longue interruption et enfin perpétue le partage sexuel des fonctions dans la société.
Pour y remédier, le Haut Conseil propose un choix entre deux options sans conséquence budgétaire : soit une forte hausse du CLCA (allant jusqu’à 70 % du dernier salaire avec un plancher minimum) sur un an maximum après chaque naissance, quel qu’en soit le nombre ; soit une rémunération plus forte encore, et une durée modulée selon le nombre d’enfants : 6 mois pour le premier, 1 an pour le deuxième et 2 ans si la famille s’élargit encore.
Ces réformes sont plus que bienvenues ; et sans doute faudrait-il y ajouter au moins trois autres modifications profondes à la situation actuelle.
D’une part, une incitation à partager ce CLCA entre les deux parents, les hommes prenant au moins 2 mois de congé parental à chaque enfant. D’autre part une augmentation du nombre de crèches et d’assistantes maternelles, pour permettre aux parents d’avoir véritablement le choix de continuer à travailler ( selon le Haut Conseil, il manque au moins 350.000 nouvelles places , alors que seulement 200.000 sont promises par le gouvernement) ; enfin, il faudrait définir un statut spécifique pour le CLCA lorsqu’il est appliqué aux familles monoparentales, qui ont une demande particulière d’assistance, et qui seront de plus en plus fréquemment en situation d’avoir à gérer des enfants en bas âge.
Plus largement, s’intéresser au congé parental conduit donc à repenser la facon dont nos sociétés traitent les responsabilités respectives des femmes et des hommes dans la reproduction sociale. Et surtout la facon dont elles se substituent aux unes et aux autres dans la gestion de l’avenir. On en revient toujours là : une société bien gérée donne implicitement le droit de vote aux générations suivantes. La notre, sur le congé parental, comme sur bien d’autres sujets, a encore bien des progrès à faire.