Ayant participé très activement à toutes les élections présidentielles françaises depuis quarante ans, je ne pensais jamais avoir à assister à une campagne aussi désastreuse que celle dans laquelle s’enfonce aujourd’hui notre pays. J’en pleurerais de rage et de colère. Et je sais que je suis loin d’être le seul.
Cette lamentable comédie à laquelle nous assistons n’est pas que le produit des circonstances, qui semblent s’acharner pour la rendre dérisoire. Elle est le résultat profond d’un pourrissement du système politique français, qui depuis 30 ans au moins, préfère se complaire dans l’inaction, les petites rivalités de personnes, les compromissions grandes ou petites ; les corruptions, ouvertes ou tacites. De cela, nous mourons.
Les Français le sentent bien, qui, en majorité, aimeraient pouvoir voter pour un autre candidat que tous ceux qui se présentent aujourd’hui, sans pouvoir le nommer. Ils aimeraient qu’on leur propose un programme sérieux, cohérent, avec un calendrier rapide de mise en oeuvre. Ils aimeraient avoir des dirigeants honnêtes et d’experience. Ils savent bien que ce n’est pas dans les pathétiques affrontements d’égos des candidats que se trouvent la solution de leurs problèmes quotidiens ni surtout de ceux de leurs enfants. Ils comprennent bien que la plupart des hommes politiques n’ont pas l’amour du pays chevillé au corps, mais l’amour d’eux-mêmes et des honneurs qu’ils convoitent.
Ils sentent bien que le pays s’enfonce dans le néant de l’inaction.
Déjà, nous avons perdu des années, vingt sans doute, sous l’effet de la procrastination et de l’insouciance de nos dirigeants politiques. Et aujourd’hui, cela commence à se faire sentir. Jamais, en tout cas depuis 1945, notre dette publique n’a été plus élevée. Jamais le chômage des jeunes n’a été plus durable. Jamais notre balance des paiements n’a été aussi déficitaire. Jamais autant d’adolescents ne sont sortis du système scolaire sans savoir lire, écrire et compter. Jamais nos hôpitaux, nos écoles n’ont été aussi surchargées, en manque de moyens. Jamais le progrès technique n’a exigé autant de choix politiques. Jamais, aussi depuis 1945, l’environnement écologique et géopolitique n’ont été aussi menaçants.
Devant cela, qu’entendons-nous ? Rien. Et la campagne d’aujourd’hui ne peut avoir qu’une seule signification : les hommes politiques savent qu’ils n’ont pas la réponse à ces questions, qu’ils n’ont pas le caractère ni les compétences pour affronter ces tempêtes, et ils ont préféré mettre en scène le désastreux spectacle de la compétition de leurs égos, plutôt que de nous parler de ces sujets difficiles.
Il n’y a pas de réponses simples aux problèmes de la France. Rien ne se fera sans effort. Tout suppose une analyse lucide, une conscience claire des positions de nos alliés et de nos adversaires, un programme cohérent, clair, complet, ambitieux, à mettre en œuvre immédiatement. Une intégrité sans faille, une capacité à imposer des choix, face aux puissants du monde et à leurs chantages. une experience de l’exercice du pouvoir en même temps qu’une capacité à oser le neuf.
Nos dirigeants politiques, et ceux qui aspirent à le devenir ne parlent jamais de tout cela. Ou, quand ils en parlent, on ne les entend pas.
La classe politique française ressemble à ces parents indignes qui préfèrent mettre la radio a fond pour ne pas entendre les cris de leurs enfants.
Un jour, bientôt, les enfants se vengeront.