Presque personne ne parie aujourd’hui sur une réélection en 2012 de Nicolas Sarkozy: il est impopulaire, jusque dans son propre camp ; la situation économique et sociale du pays est désastreuse et ne va pas s’améliorer d’ici à dix huit mois. Le chômage n’aura pas diminué ; les inégalités ne se seront pas réduites ; les économies budgétaires auront fait beaucoup de mécontents ; et il faudra en faire plus encore dans le budget 2012, qu’il faudra faire voter six mois avant les élections, pour ne pas avoir à affronter la défiance des prêteurs.
Sans même tenir compte des innombrables inimitiés que le style du président a suscité dans son propre camp, ni des affaires multiples qui empoisonnent l’atmosphère politique, les conditions semblent donc réunies pour que, en 2012, pour la première fois depuis 24 ans, la gauche gagne les élections présidentielles, et les législatives qui suivront.
Et pourtant, il est vraisemblable qu’il n’en sera rien ; car la gauche a mis en place, une fois de plus, une de ces formidables machines à perdre, dont elle a le secret. Pour au moins six raisons :
1. Le PS ne désignera pas son candidat avant octobre 2011. Ce qui le laisse jusque-là sans porte parole, ni programme. Or, la France n’a jamais élu président quelqu’un qui n’était pas clairement identifié comme candidat depuis longtemps.
2. A l’intérieur même du PS, les dirigeants sont plus occupés à s’entredéchirer qu’à construire une réponse crédible à la crise. Le PS n’a pas de ligne ; ou plutôt il en a 5 ou 6 selon ceux qui s’expriment.
3. L’actuelle direction du parti socialiste, particulièrement faible, est l’otage d’une extrême gauche irresponsable, sommaire et incompétente, qui s’exprime au nom du parti, dont elle est même la porte parole. Une telle position n’aurait de sens que si elle était cohérente comptablement, ce qui était le cas quand Francois Mitterrand a été élu, sur un programme d’union de la gauche, radical, mais cohérent et chiffré. C’est loin d’être le cas aujourd’hui. Ce qui ne peut que lui aliéner des voix au centre, sans rapporter aucune voix à l’extrême gauche ni même parmi les abstentionnistes.
4. Certains notables socialistes pourraient préférer perdre les élections présidentielles, pour gagner les élections locales suivantes: pourquoi se sacrifieraient ils tous pour la victoire d’un seul d’entre eux ?
5. Les différents partis de l’opposition ont des conceptions économiques et écologiques aux antipodes les unes des autres. Et ils ne travaillent pas à définir un programme minimal commun, de peur de révéler au grand jour l’immensité de leurs désaccords.
6. Plus encore, les écologistes pensent avoir tout intérêt, comme les communistes en leur temps, a faire perdre les socialistes, pour ouvrir la voie à une toute autre forme d’alternance entre deux modèles de développement et pour rejeter les socialistes au rang de parti d’appoint de la droite.
Les électeurs de gauche ne peuvent que désespérer d’une telle coalition de perdants. D’autant qu’une défaite de la gauche en 2012 la renverra à 2017, date à laquelle la gauche aura été écartée de l’Elysée aussi longtemps qu’entre l’avènement de la cinquième république et l’élection de Francois Mitterrand.
La gauche peut encore sortir de ce piège qu’elle se tend à elle-même. A condition de l’affronter lucidement. Et de ne pas oublier que Nicolas Sarkozy a été et restera un redoutable adversaire. Et que, lui, a la différence de tous ses rivaux, ne pense qu’a ça.