Pendant que les débats publics se concentrent dans tous les palais officiels de l’Europe sur l’impossible gestion de la dette publique, dont il faudra bien, un jour, oser organiser le moratoire, les préteurs s’intéressent de plus en plus à un autre sujet : le marché du travail. Et ils ont déjà réussi à imposer, partout en Europe, une beaucoup plus grande flexibilité, permettant des licenciements individuels et collectifs plus faciles, condition de la mobilité, de la croissance et de l’emploi. Partout. Sauf en France. Et les agences de notation le répètent : si rien n’est fait sur ce sujet en France, la compétitivité ne reviendra pas. Et la croissance non plus. Et les taux d’intérêt des emprunts publics et privés y augmenteront.
En France, les débats ont commencé. Et, en apparence, les partenaires sociaux ne sont d’accord sur rien : le MEDEF demande à remettre en cause les processus des licenciements collectifs, quitte à reconnaitre en échange la surtaxation des CDD, ce dont ne veut absolument pas la CGPME. FO ne veut pas entendre parler de remise en cause des processus de licenciements collectifs, pendant que la CFDT veut surtout obtenir le droit de cogérer les entreprises, tandis que la CGT veut surtout être contre tout accord avec le patronat, quel qu’il soit. Avec, en même temps, un changement de dirigeant cette semaine à la CGT et à la CFTD.
En réalité, nous sommes dans une société de connivence : tous les partenaires sociaux sont en fait d’accord pour ne pas être d’accord, et pour laisser au gouvernement la responsabilité des décisions impopulaires inévitables en matière de flexibilité. Et plus encore, ils sont d’accord pour ne s’intéresser qu’à protéger ceux qui ont un emploi, et en rien aux chômeurs ; et enfin, et surtout, ils sont d’accord pour ne pas toucher à un pactole, celui de la formation permanente, qui assure des revenus confortables à des tas de gens qui tournent autour d’eux.
Et pourtant, c’est là qu’est la solution : pour que la flexibilité nécessaire ne conduise pas à l’intolérable précarité, il faut garantir à tous ceux qui aurait à quitter un travail un statut nouveau, qui ne soit pas celui de chômeur, mais de salarié en formation et recherche d’emploi, pour réactualiser ses connaissances et chercher une nouvelle activité. Ce que j’ai déjà appelé ici un « contrat d’évolution ».
Pour cela, il faudrait oser trois réformes radicales : d’abord, admettre que se former (et les universités sont là pour ça, même en été) et chercher un travail sont des activités socialement utiles méritant rémunération. Ensuite, il faudrait consacrer à cette rémunération une partie de l’argent public gaspillé aujourd’hui dans la formation permanente. Enfin, en consacrant le reste de cette manne à financer les syndicats, pour qu’ils y trouvent leur compte.
De tout cela, les partenaires sociaux font tout pour ne pas en parler. Et le pouvoir politique, tout occupé à colmater les brèches, à éviter les licenciements ici ou là, risque de passer à côté de l’essentiel : les emplois de demain ne sont pas dans la défense illimitée des emplois du passé mais dans la formation et la préparation aux métiers de l’avenir.